Résumé 0KMQ4
Antécédents de lésions frontières et de cancer du sein : surveillance mammographique annuelle : peut-on faire moins ?
Women with atypical hyperplasia and breast cancer: annual mammographic follow-up: can we make less?
Isabelle Doutriaux-Dumoulin
Imagerie médicale
ICO Gauducheau Nantes. Bd J Monod. 44805 ST Herblain

Hyperplasie épithéliale atypique; cancer du sein ; surveillance
Atypical hyperplasia, Breast cancer; follow-up
Le dépistage organisé du cancer du sein permet un dépistage précoce de cancers de bon pronostic, mais induit aussi le diagnostic de lésions histologiques non carcinomateuses dites : «lésions frontières ». De ce fait, il est plus que probable que le nombre de patientes à surveiller va continuer d’augmenter. Dans ce contexte, il est donc licite de se demander s’il est souhaitable et nécessaire de surveiller annuellement les femmes ayant un antécédent de lésions frontière ou de cancer du sein et cela de la même façon, quel que soit le type histologique, leur âge et le délai depuis le diagnostic.

Antécédents de lésions frontières : Ces lésions sont multiples et la stratégie de prise en charge et de suivi sera fonction du type de lésion. Il faut distinguer les lésions potentiellement associées à lésions carcinomateuses, des lésions marqueurs d’un risque augmenté de cancer.
Les lésions potentiellement associées à des lésions carcinomateuses sont un groupe hétérogène de lésions (papillome, cicatrice radiaire, mucocèle like) qui lorsqu’elles sont découvertes sur des prélèvements percutanés nécessitent une exérèse complète chirurgicale ou parfois par macrobiopsie. Après chirurgie, ces lésions n’entraînent pas de surveillance particulière autre que le dépistage selon les modalités du dépistage organisé.
Les lésions d’hyperplasie canalaire atypique et d’hyperplasie lobulaire atypique sont par contre associées à un risque augmenté de cancer homo ou controlatéral. Dès 1985, ce risque a été évalué par Dupont et Page à 4,4% (95% CI : 3.1 – 6.4). Des travaux plus récents confortent ces résultats. Ainsi Coopey et al, évaluent le risque de faire un cancer après diagnostic de lésion avec atypie entre 5 et 11% à 5 ans et entre 17 et 26% à 10 ans [1].
Il existe dans la littérature un consensus sur un risque accentué par l’âge jeune au diagnostic [2-3]. Par contre, l’effet multiplicatif des antécédents familiaux est controversé [4].
En France, le suivi en cas d’antécédent personnel d’hyperplasie canalaire atypique, d’hyperplasie lobulaire atypique ou de carcinome lobulaire in situ, a fait l’objet de recommandations de la HAS en 2014 [5] préconisant un suivi mammographique annuel pendant 10 ans, en association éventuelle avec une échographie mammaire. Si, au terme de cette période de 10 ans, la femme a 50 ans ou plus, elle doit être incitée à participer au programme national de dépistage organisé. Par contre si, au terme de cette période de 10 ans, la femme a moins de 50 ans, une mammographie en association éventuelle avec une échographie mammaire lui sera proposée tous les 2 ans jusqu’à l’âge de 50 ans. La femme sera ensuite incitée à participer au programme national de dépistage organisé.
Avant d’engager une femme dans ce suivi annuel pendant 10 ans, il faut au préalable s’assurer de la bonne gestion de prise en charge des lésions avec atypie découvertes sur biopsie percutanée (risque de sous-estimation histologique sur prélèvements percutanés) et rechercher d’éventuels facteurs de risques associés (haut risque familial) qui pourraient valider une surveillance renforcée par IRM. il convient également de ne pas intensifier la surveillance par une IRM mammaire qui, en l’absence de facteurs de risque génétique associé, n’est pas recommandé.

Peut-on diminuer la durée du suivi annuel ? La durée de suivi annuel de 10 ans repose sur un avis d’expert. Néanmoins, les publications récentes vont plutôt à l’encontre d‘une désescalade de la surveillance dans le temps. Des travaux récents ont montré que le risque de cancer subsiste dans le temps avec un risque cumulé à 25 ans de 30% [2].

Est-il possible de définir des sous-groupes de lésions atypiques qui pourraient bénéficier d’un suivi allégé ? Il n’y a pas de publication dans ce sens, même si le risque de cancer après diagnostic de lésions avec atypies semble différent selon l’âge de la patiente, le nombre de foyers histologiques et le niveau d’involution lobulaire . L’âge jeune au diagnostic et un nombre de foci > 3 sont considérés comme des facteurs aggravant le risque de cancer au contraire de l'involution lobulaire.

Antécédents cancer du sein : La détection précoce des récidives locales a un impact bénéfique sur la survie. Après traitement conservateur, le risque de récidive locale varie de 7 à 19% à dix ans et persiste toute la vie avec une incidence annuelle de 1%. Le risque de cancer controlatéral est également augmenté. Il est 2,5 fois plus élevé que dans la population générale.
En France le schéma de surveillance associe examen clinique biannuel pendant 5 ans puis annuel et mammographie +/– échographie annuelle sans limitation de durée. [6].
En 2012, l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) [7] a réévalué les recommandations du suivi après traitement d’un cancer du sein au vu de la littérature de 2006-2012 et a conclu à l’absence d’argument suffisant pour modifier le schéma de surveillance. Cependant, ce travail était focalisé sur les modalités et la fréquence de réalisation des examens mais n’a pas évalué l’adaptation de la surveillance à l’âge ou au délai après la fin de traitement, ni la durée optimale de la surveillance.
La durée de la surveillance ne fait pas totalement consensus. Certains pays, recommandent en l’absence d’autre facteur de risque associé, un retour au dépistage organisé après 5 à 10 ans de suivi annuel [8]. Une étude australienne de modélisation basée sur une population de femmes ménopausées traitées d’un cancer de pronostic intermédiaire, montre que la meilleure stratégie en terme de coût efficacité est une surveillance annuelle pendant 5 ans puis tous les 2 ans pour la tranche d’âge 50-69 ans et un suivi tous les 2 ans pour les femmes de 70 à 79 ans au moment du diagnostic. Cependant les auteurs précisent que cette optimisation coût efficacité repose sur une adhérence au suivi de 90% [9].
L’évolution des connaissances montrent que le risque de rechute locale et métastatique varie en fréquence et en délai de survenu après traitement, selon les caractéristiques moléculaires des cancers (luminaux A et B, surexpression HER2, triple négatif) et selon âge de survenue du cancer. On connait les sous-groupes de patientes à haut risque de rechute locale (âge jeune, contexte génétique) pour lesquelles on dispose de recommandations de surveillance : IRM mammaire + mammographie /-échographie annuelle. A contrario, est-il possible d’identifier un sous-groupe de patientes qui pourrait bénéficier d’une surveillance locale allégée ?
La question de l’adaptation du calendrier de surveillance des rechutes au profil biologique de la tumeur primitive est actuellement étudiée. Le pic de fréquence de survenue des récidives locales, semble différer selon l’expression des récepteurs hormonaux, plus précoce pour les cancers n’exprimant pas les récepteurs hormonaux [10]. Si l’on prend le cas des cancers in situ, l’étude du profil immunohistochimique, pourrait permettre d’identifier les sous-groupes à haut risque de rechute locale.
Le jeune âge au diagnostic constitue un facteur de risque indépendant de récidive locale. Par contre, il n’existe pas de recommandations spécifiques des modalités de surveillance pour les patientes âgées voire très âgées. Même si la définition de personne âgée est peu précise, il est certain que cette population va continuer de croitre dans les années à venir. Une estimation nationale du nombre de cancer du sein par tranche d’âge, montre qu’environ 11 000 diagnostics sont posés chez des femmes de plus de 75 ans soit environ 20% du nombre total de cas estimés (53 000). Le suivi après traitement de cette population âgée représente donc un enjeu de santé publique. En l’absence de recommandations spécifiques des modalités de surveillance pour les patientes âgées, la surveillance locale ne devrait pas être différente de celle d’une femme plus jeune. Le bon sens clinique, veut cependant que cette surveillance soit modulée selon les comorbidités.
Le rythme d’une mammographie annuelle à vie, quel que soit le délai avec le diagnostic initial repose sur des accords d’experts et non sur des essais randomisés. Les données de la littérature ne permettent pas de définir aujourd’hui, les modalités optimales de la surveillance locale en termes de durée et de rythme. S’il n’existe pas d’argument formel pour espacer le suivi mammographique, l’on sait que de nombreuses patientes échappent à ce suivi annuel. Ainsi, en France, il est fréquent que des femmes ayant un antécédent de cancer du sein répondent à l’invitation du dépistage organisé. Si cette situation existe pour des femmes de moins de 74 ans, il est plus que probable que nombre de patientes âgées ayant un antécédent de cancer du sein ne bénéficient plus du suivi mammographique préconisé. Une étude néerlandaise évaluant l’observance du suivi post traitement par rapport aux recommandations de surveillance montre, pour les patientes de plus de 70 ans, une diminution du nombre des examens d’imagerie mammaire par rapport au suivi recommandé [11].

Conclusion
Alors que l’on sait que le nombre de patientes traitées d’un cancer du sein va continuer de croître dans les prochaines années ; le problème des ressources nécessaires à la surveillance post-thérapeutique des cancers va s’accentuer. Se profile aujourd’hui l’idée d’une stratégie de surveillance adaptée au risque individuel basée sur l’âge de la patiente, le profil biologique de la tumeur et le risque familial mais nécessite avant utilisation en pratique clinique, des études complémentaires afin de valider des modèles d’évaluation du risque individuel de rechute locale ou métastatique

Bibliographie
1. The role of chemoprevention in modifying the risk of breast cancer in women with atypical breast lesions. Coopey S et al. Breast Cancer Res Treat (2012) 136:627–633
2. Atypical Hyperplasia of the Breast — Risk Assessment and Management Options. Hartmann Lc et al. (2015) NEMJ 372;1: 78-89.
3. Breast cancer risk and follow-up recommendations for Young women diagnosed with atypical hyperplasia and lobular carcinoma in situ (LCIS). Mc Evoy M P et al. Ann Surg Oncol (2015) 22 :3346-3349.
4. Stratification of Breast Cancer Risk in Women With Atypia: A Mayo Cohort Study . Degnim,AC et al. JCO 2007
5. Dépistage du cancer du sein en France : identification des femmes à haut risque et modalités de dépistage . HAS 2014
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1741170/fr/depistage-du-cancer-du-sein-en-france-identification-des-femmes-a-haut-risque-et-modalites-de-depistage
6. Surveillance après traitement de cancer du sein. Recommandations de Saint Paul de Vence 2009. Oncologie (2009) 11 : 589-610.
7. Breast cancer follow-up and management after primary treatment: American Society of clinical Oncology Clinical practice guideline update. Khatcheressian JL, Hurley P, Bantug E et all. J Clin Oncol 2012
8. National Collaborating Centre for Cancer (UK). Early and Locally Advanced Breast Cancer: Diagnosis and Treatment [Internet]. Cardiff (UK): National Collaborating Centre for Cancer (UK); 2009 Feb. (NICE Clinical Guidelines, No. 80.)
9. A patient–level calibration framework for evaluating surveillance strategies: a case study of mammographgy follow-up after breast cancer treatment. Bensen T et al. Value health 2014 ; 17 :669-78
10. Recurrence and mortality according to estrogen receptor status for breast cancer patients undergoing conservative surgery. Demicheli R et al. BMC cancer 2010; 30:656.
11. Underuse of long-term routine hospital follow-up care in patients with a history of breast cancer? Lu W, Jansen L, Schaapveld M, Baas PC, et al. BMC Cancer. 2011 Jun 28 11:279.
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L'avenir permettra d'adapter la stratégie de surveillance au risque individuel basée sur l’âge de la patiente, le profil biologique de la tumeur et le risque familial. Des études complémentaires validant des modèles d’évaluation du risque individuel de rechute locale ou métastatique sont requis.
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