Résumé 1WAVH
30 ans de traitements néoadjuvants, 30 années de multidisciplinarité
30 years of neoadjuvant treatment, 30 years of multydisciplinarity
Dr Louis Mauriac
Institut Bergonié, 229 cours de l’Argonne, 33076 Bordeaux Cedex
Institut Bergonié, 229 cours de l’Argonne, 33076 Bordeaux Cedex
Hormonothérapie. Néoadjuvant. Thérapies ciblées.
Hormonotherapy. Neoadjuvant. Targeted therapies.
La multidisciplinarité fait partie intégrante de la prise en charge des patientes atteintes de cancer du sein. Dans les centres spécialisés, médecins, chirurgiens, radiothérapeutes, auxquels se sont associés secondairement anatomo-pathologistes, radio-sénologues, biologistes, au gré des progrès de la science fondamentale, ont fait de la multidisciplinarité un impératif incontournable.
Dans les années 1980, les études précliniques montrent qu’après exérèse de la tumeur primitive la prolifération des métastases est augmentée (1) et que l’administration pré-opératoire de cyclophosphamide provoque une réduction de la prolifération et augmente la survie des animaux traités (2).
Auparavant, les oncologues médicaux intègrent la chimiothérapie de la phase métastatique à la phase adjuvante (3).
Les progrès obtenus par les nouvelles drogues (anthracyclines en particulier) poussent à utiliser la chimiothérapie dans les tumeurs localement avancées ou métastatiques pour lesquelles la survie sans métastase et la survie globale sont particulièrement faibles (4).
Pour les tumeurs volumineuses ou de forte évolutivité clinique, l’objectif de la chimiothérapie administrée avant le traitement local (on ne l’appelait pas encore néoadjuvante) était de permettre de conserver secondairement le sein alors qu’une mastectomie totale aurait dû être effectuée. Mais il fallait dans le même temps s’assurer que laisser la tumeur en place pendant le traitement médical initial ne pénaliserait pas les patientes en termes de survie globale. On montrerait ainsi que ce traitement d’induction avait aussi un rôle adjuvant d’où la terminologie de chimiothérapie néoadjuvante (5), secondairement acceptée par tous (6-8).
Les essais randomisés ont permis d’assoir ce paradigme : une chimiothérapie néoadjuvante permet de réduire suffisamment le volume et l’évolutivité tumorale pour permettre plus d’une fois sur deux la réalisation d’un traitement chirurgical conservateur sans que la survie des malades en soit modifiée (9-11). Malheureusement, si la survie n’est pas aggravée, elle n’est pas non plus améliorée, comme on l’avait initialement espéré (12).
Pendant que la chimiothérapie néoadjuvante prenait une place de plus en plus assurée, les progrès de la biologie prédictive (récepteurs stéroïdiens) et la multidisciplinarité (prise en charge des patientes âgées) ont permis d’intégrer l’hormonothérapie dans la phase néoadjuvante. Ayant à disposition un antiestrogène, efficace et bien toléré, il était tentant de l’insérer d’emblée dans une stratégie néoadjuvante (13). Les malades âgées ont été les premières à bénéficier de cette stratégie ; les essais randomisés ont en effet montré l’équivalence en termes de survie de l’hormonothérapie en continu (sans traitement local) et d’une chirurgie optimale, suivie ou non par une hormonothérapie adjuvante (14-17).
Cependant, en l’absence de traitement local optimal, les taux de rechute locale ou loco-régionale restent importants rendant nécessaire un traitement loco-régional (14, 18). Les antiaromatases sont maintenant l’hormonothérapieneoadjuvante de choix du fait d’une meilleure efficacité que les anti-estrogènes.
Les progrès de la chirurgie et de l’anesthésiologie sur ces terrains fragiles ont permis de remédier à cet écueil en proposant des traitements locaux. De plus, la radiologie interventionnelle a ouvert une voie complémentaire par l’ablathérapie grâce à l’utilisation des radiofréquences ou de la cryothérapie (19, 20).
Mais il faut aussi insister sur les bénéfices conjugués de la multidisciplinarité et des traitements néoadjuvants qui permettent de suivre et de mieux comprendre l’évolution du comportement tumoral sous traitement. A-t-on un intérêt à déterminer le status de la p53 ou du Ki 67 dans la prédiction de la réponse à la chimiothérapie ou à l’hormonothérapie ? L’IRM ou le pet scan ont-ils une valeur prédictive à court et long terme ? Seule la recherche multidisciplinaire pourra répondre à ces questions d’actualité.
Références
1. Gunduz N, Fisher B, Saffer EA. Effect of surgical removal on the growth and kinetics of residual tumor. Cancer Res 1979 ; 39 : 3861-5.
2. Fisher B, Gunduz N, Saffer EA. Influence of the interval between primary tumor removal and chemotherapy on kinetics and growth of metastases. Cancer Res 1983 ; 43 : 1488-92.
3. Bonadonna G, Brusamolino E, Valagussa P, et al. Combination chemotherapy as an adjuvant treatment in operable breast cancer. N Engl JMed 1976; 294:405-410.
4. Chauvergne J, Durand M, Mauriac L, et al. [Chemotherapy of breast cancers. Coordinated evolution of therapeutic schemes from 1975 to 1985]. Rev Fr Gynecol Obstet. 1986 ; 81 : 119-22.
5. Jacquillat C, Baillet F, Weil M, et al. Results of a conservative treatment combining induction (neoadjuvant) and consolidation chemotherapy, hormonotherapy, and external and interstitial irradiation in 98 patients with locally advanced breast cancer (IIIA-IIIB). Cancer 1988 ; 61 : 1977-82.
6. Chauvergne J, Durand M, Richaud P, et al. Traitement combiné des cancers mammaires localisés à haut risque métastatique. Résultats d’une étude prospective contrôlée. J Gyn Obst Biol Repr 1981 ; 10 : 75-85.
7. Jacquillat C, Weil M, Baillet F, et al. Results of neoadjuvant chemotherapy and radiation therapy in the breast-conserving treatment of 250 patients with all stages of infiltrative breast cancer. Cancer 1990 ; 66 : 119-29.
8. Bonadonna G, Veronesi U, Brambilla C, et al. Primary chemotherapy to avoid mastectomy in tumors with diameters of three centimeters or more. J Natl Cancer Inst 1990 ; 82 : 1539-45.
9. Mauriac L, Durand M, Avril A, Dilhuydy JM. Effects of primary chemotherapy in conservative treatment of breast cancer patients with operable tumors larger than 3 cm. Results of a randomized trial in a single centre. Ann Oncol 1991 ; 2 : 347-54.
10. Fisher B, Brown A, Mamounas E, et al. Effect of preoperative chemotherapy on local-regional disease in women with operable breast cancer: findings from National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project B-18. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 2483-93.
11. Mauri D, Pavlidis N, Ioannidis JP. Neoadjuvant versus adjuvant systemic treatment in breast cancer: a meta-analysis. J Natl Cancer Inst 2005 ; 97 : 188-94.
12. Mauriac L, Durand M, Pigneux J, et al. Neoadjuvant chemotherapy for operable breast cancer. Preliminary results from a randomized trial. 11th Annual San Antonio Breast Cancer Symposium, San Antonio (Texas), 29-30 november 1988.
13. Robertson JFR, Ellis IO, Elston CW, Blamey RW. Mastectomy or tamoxifen as initial therapy for operable breast cancer in elderly patients: 5-year follow-up. Eur J Cancer 1992 ; 28A : 908-10.
14. Mauriac L, Debled M, Durand M, et al. Neoadjuvant tamoxifen for hormone-sensitive non-metastatic breast carcinomas in early postmenopausal women. Ann Oncol 2002 ; 13 : 293-8.
15. Bates T, Riley DL, Houghton J, et al. Breast cancer in elderly women: a Cancer Research Campaign trial comparing treatment with tamoxifen and optimal surgery with tamoxifen alone. The Elderly Breast Cancer Working Party. Br J Surg 1999 ; 78 : 591-594.
16. Gazet JC, Ford HT, Bland JM, et al. Prospective randomised trial of tamoxifen versus surgery in elderly patients with breast cancer. Eur J Surg Oncol 1994 ; 20 : 207-14.
17. Mustacchi G, Milani S, Pluchinotta A, et al. Tamoxifen or surgery plus tamoxifen as primary treatment for elderly patients with operable breast cancer: The G.R.E.T.A. Trial. Group for Research on Endocrine Therapy in the Elderly. Anticancer Res 1994 ; 14 : 2197-200.
18. Miller WR, Anderson TJ, Hawkins RA, et al. Neoadjuvant endocrine treatment: the Edinburgh experience. In: Dowsett M, Howell A, eds. Primary medical therapy for breast cancer: clinical and biological aspects. ESO Scientific Updates (vol. 4). Amsterdam: Elsevier 1999; 23-36.
19. Fornage BD, Sneige N, Ross MI, et al. Small (< or = 2-cm) breast cancer treated with US-guided radiofrequency ablation: feasibility study. Radiology 2004 ; 231 : 215-24.
20. Palussière J, Henriquès C, Mauriac L, et al. Radiofrequency ablation as a substitute for surgery for non-resected elderly breast cancer patients: a pilot study with long term outcomes. Radiology 2012 ; 264 : 597-605.
Dans les années 1980, les études précliniques montrent qu’après exérèse de la tumeur primitive la prolifération des métastases est augmentée (1) et que l’administration pré-opératoire de cyclophosphamide provoque une réduction de la prolifération et augmente la survie des animaux traités (2).
Auparavant, les oncologues médicaux intègrent la chimiothérapie de la phase métastatique à la phase adjuvante (3).
Les progrès obtenus par les nouvelles drogues (anthracyclines en particulier) poussent à utiliser la chimiothérapie dans les tumeurs localement avancées ou métastatiques pour lesquelles la survie sans métastase et la survie globale sont particulièrement faibles (4).
Pour les tumeurs volumineuses ou de forte évolutivité clinique, l’objectif de la chimiothérapie administrée avant le traitement local (on ne l’appelait pas encore néoadjuvante) était de permettre de conserver secondairement le sein alors qu’une mastectomie totale aurait dû être effectuée. Mais il fallait dans le même temps s’assurer que laisser la tumeur en place pendant le traitement médical initial ne pénaliserait pas les patientes en termes de survie globale. On montrerait ainsi que ce traitement d’induction avait aussi un rôle adjuvant d’où la terminologie de chimiothérapie néoadjuvante (5), secondairement acceptée par tous (6-8).
Les essais randomisés ont permis d’assoir ce paradigme : une chimiothérapie néoadjuvante permet de réduire suffisamment le volume et l’évolutivité tumorale pour permettre plus d’une fois sur deux la réalisation d’un traitement chirurgical conservateur sans que la survie des malades en soit modifiée (9-11). Malheureusement, si la survie n’est pas aggravée, elle n’est pas non plus améliorée, comme on l’avait initialement espéré (12).
Pendant que la chimiothérapie néoadjuvante prenait une place de plus en plus assurée, les progrès de la biologie prédictive (récepteurs stéroïdiens) et la multidisciplinarité (prise en charge des patientes âgées) ont permis d’intégrer l’hormonothérapie dans la phase néoadjuvante. Ayant à disposition un antiestrogène, efficace et bien toléré, il était tentant de l’insérer d’emblée dans une stratégie néoadjuvante (13). Les malades âgées ont été les premières à bénéficier de cette stratégie ; les essais randomisés ont en effet montré l’équivalence en termes de survie de l’hormonothérapie en continu (sans traitement local) et d’une chirurgie optimale, suivie ou non par une hormonothérapie adjuvante (14-17).
Cependant, en l’absence de traitement local optimal, les taux de rechute locale ou loco-régionale restent importants rendant nécessaire un traitement loco-régional (14, 18). Les antiaromatases sont maintenant l’hormonothérapieneoadjuvante de choix du fait d’une meilleure efficacité que les anti-estrogènes.
Les progrès de la chirurgie et de l’anesthésiologie sur ces terrains fragiles ont permis de remédier à cet écueil en proposant des traitements locaux. De plus, la radiologie interventionnelle a ouvert une voie complémentaire par l’ablathérapie grâce à l’utilisation des radiofréquences ou de la cryothérapie (19, 20).
Mais il faut aussi insister sur les bénéfices conjugués de la multidisciplinarité et des traitements néoadjuvants qui permettent de suivre et de mieux comprendre l’évolution du comportement tumoral sous traitement. A-t-on un intérêt à déterminer le status de la p53 ou du Ki 67 dans la prédiction de la réponse à la chimiothérapie ou à l’hormonothérapie ? L’IRM ou le pet scan ont-ils une valeur prédictive à court et long terme ? Seule la recherche multidisciplinaire pourra répondre à ces questions d’actualité.
Références
1. Gunduz N, Fisher B, Saffer EA. Effect of surgical removal on the growth and kinetics of residual tumor. Cancer Res 1979 ; 39 : 3861-5.
2. Fisher B, Gunduz N, Saffer EA. Influence of the interval between primary tumor removal and chemotherapy on kinetics and growth of metastases. Cancer Res 1983 ; 43 : 1488-92.
3. Bonadonna G, Brusamolino E, Valagussa P, et al. Combination chemotherapy as an adjuvant treatment in operable breast cancer. N Engl JMed 1976; 294:405-410.
4. Chauvergne J, Durand M, Mauriac L, et al. [Chemotherapy of breast cancers. Coordinated evolution of therapeutic schemes from 1975 to 1985]. Rev Fr Gynecol Obstet. 1986 ; 81 : 119-22.
5. Jacquillat C, Baillet F, Weil M, et al. Results of a conservative treatment combining induction (neoadjuvant) and consolidation chemotherapy, hormonotherapy, and external and interstitial irradiation in 98 patients with locally advanced breast cancer (IIIA-IIIB). Cancer 1988 ; 61 : 1977-82.
6. Chauvergne J, Durand M, Richaud P, et al. Traitement combiné des cancers mammaires localisés à haut risque métastatique. Résultats d’une étude prospective contrôlée. J Gyn Obst Biol Repr 1981 ; 10 : 75-85.
7. Jacquillat C, Weil M, Baillet F, et al. Results of neoadjuvant chemotherapy and radiation therapy in the breast-conserving treatment of 250 patients with all stages of infiltrative breast cancer. Cancer 1990 ; 66 : 119-29.
8. Bonadonna G, Veronesi U, Brambilla C, et al. Primary chemotherapy to avoid mastectomy in tumors with diameters of three centimeters or more. J Natl Cancer Inst 1990 ; 82 : 1539-45.
9. Mauriac L, Durand M, Avril A, Dilhuydy JM. Effects of primary chemotherapy in conservative treatment of breast cancer patients with operable tumors larger than 3 cm. Results of a randomized trial in a single centre. Ann Oncol 1991 ; 2 : 347-54.
10. Fisher B, Brown A, Mamounas E, et al. Effect of preoperative chemotherapy on local-regional disease in women with operable breast cancer: findings from National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project B-18. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 2483-93.
11. Mauri D, Pavlidis N, Ioannidis JP. Neoadjuvant versus adjuvant systemic treatment in breast cancer: a meta-analysis. J Natl Cancer Inst 2005 ; 97 : 188-94.
12. Mauriac L, Durand M, Pigneux J, et al. Neoadjuvant chemotherapy for operable breast cancer. Preliminary results from a randomized trial. 11th Annual San Antonio Breast Cancer Symposium, San Antonio (Texas), 29-30 november 1988.
13. Robertson JFR, Ellis IO, Elston CW, Blamey RW. Mastectomy or tamoxifen as initial therapy for operable breast cancer in elderly patients: 5-year follow-up. Eur J Cancer 1992 ; 28A : 908-10.
14. Mauriac L, Debled M, Durand M, et al. Neoadjuvant tamoxifen for hormone-sensitive non-metastatic breast carcinomas in early postmenopausal women. Ann Oncol 2002 ; 13 : 293-8.
15. Bates T, Riley DL, Houghton J, et al. Breast cancer in elderly women: a Cancer Research Campaign trial comparing treatment with tamoxifen and optimal surgery with tamoxifen alone. The Elderly Breast Cancer Working Party. Br J Surg 1999 ; 78 : 591-594.
16. Gazet JC, Ford HT, Bland JM, et al. Prospective randomised trial of tamoxifen versus surgery in elderly patients with breast cancer. Eur J Surg Oncol 1994 ; 20 : 207-14.
17. Mustacchi G, Milani S, Pluchinotta A, et al. Tamoxifen or surgery plus tamoxifen as primary treatment for elderly patients with operable breast cancer: The G.R.E.T.A. Trial. Group for Research on Endocrine Therapy in the Elderly. Anticancer Res 1994 ; 14 : 2197-200.
18. Miller WR, Anderson TJ, Hawkins RA, et al. Neoadjuvant endocrine treatment: the Edinburgh experience. In: Dowsett M, Howell A, eds. Primary medical therapy for breast cancer: clinical and biological aspects. ESO Scientific Updates (vol. 4). Amsterdam: Elsevier 1999; 23-36.
19. Fornage BD, Sneige N, Ross MI, et al. Small (< or = 2-cm) breast cancer treated with US-guided radiofrequency ablation: feasibility study. Radiology 2004 ; 231 : 215-24.
20. Palussière J, Henriquès C, Mauriac L, et al. Radiofrequency ablation as a substitute for surgery for non-resected elderly breast cancer patients: a pilot study with long term outcomes. Radiology 2012 ; 264 : 597-605.
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