Le dépistage organisé a réduit la mortalité par cancer du sein

Organised screening has reduced breast cancer mortality

P Autier (1, 2)
(1) International Prevention Research Institute (iPRI), Lyon, France
(2) Strathclyde University Global Public Health Institute, Lyon, France

cancer, sein, dépistage, efficience, mortalité, stade avancé

cancer, breast, screening, efficiency, mortality, late stage

Le but essentiel du dépistage des cancers est de réduire la mortalité associée à ces cancers. Le dépistage agit sur la mortalité en détectant à un stade précoce des cancers qui en l’absence de dépistage seraient diagnostiqués à un stade plus avancé. Dans cette logique, dans les pays où le dépistage d’un cancer est répandu, on devrait observer une diminution de l’incidence des cancers avancés dans les années qui suivent l’introduction du dépistage. Cet indicateur a l’énorme avantage de ne pas dépendre de l’efficacité des traitements. Par ailleurs, dans des pays où l’accès aux thérapies anti-cancéreuses est similaire, la mortalité par cancer devrait diminuer plus rapidement dans les pays où le dépistage a été introduit précocement que dans les pays ou le dépistage est rare ou a été introduit tardivement. Ces deux indicateurs ont documenté la capacité du dépistage à diminuer la mortalité due aux cancers du col utérin et du colo-rectum, et son incapacité à diminuer la mortalité des enfants atteints de neuroblastome.
Début des années 2000, plusieurs groupes scientifiques (y compris les investigateurs des études randomisées sur la mammographie) ont recommandé l’usage de ces indicateurs pour évaluer l’efficience du dépistage sur le long terme.
Néanmoins, les études conduites après 2007 montrent qu’après plus de 20 à 30 ans de dépistage, l’incidence des cancers avancés du sein n’a guère diminué dans les pays où le dépistage mammographique a été massivement introduit fin des années 1980. Par rapport à des pays similaires ayant des systèmes de santé équivalents, la mortalité par cancer du sein n’a pas diminué pas plus rapidement dans les pays ou le dépistage existe depuis plus longtemps et où la participation est plus élevée. Donc, les données de population suggèrent que le dépistage du cancer du sein ne serait pas, ou serait peu impliqué dans la diminution de la mortalité due à ce cancer.
Ces observations troublantes détonnent avec les études randomisées principalement conduites en Suède qui ont montré la capacité du dépistage mammographique à diminuer la fréquence des cancers avancés et la mortalité par cancer du sein. Quelles raisons pourraient sous-tendre ces résultats contrastés?
Une raison pourrait être que les études randomisées suédoises seraient biaisées. Cette explication est étayée par plusieurs travaux qui ont pointé les failles méthodologiques de ces études. Par exemple, toutes les études qui ont obtenu des résultats en faveur du dépistage mammographique ont utilisé des schémas de randomisation et appliqué des analyses statistiques fort différents de ce qui a été fait dans les études randomisées qui ont testé des méthodes de dépistage de cancers autres que celui du sein.
D’autres groupes soutiennent que les méthodes d’évaluation habituelles ne sont pas valides pour le dépistage du cancer du sein et qu’il faut préférer les méthodes basées sur le suivi de cohortes de femmes, sur les études cas-témoin et les modélisations statistiques. Ces arguments sont peu probants car alors, devrait-on également admettre que les évaluations de l’efficience du dépistage des cancers du col utérin, du colo-rectum et du neuroblastome ne seraient pas valides ?
A ces doutes sur l’efficience s’ajoutent le surdiagnostic ainsi que des thérapies de plus en plus performantes qui diminuent encore l’efficience du dépistage. L’option du dépistage mammographique offert à toutes les femmes d’un certain âge est sans doute à revoir.

Les doutes sur l’efficience du dépistage mammographique, le surdiagnostic ainsi que des thérapies de plus en plus performantes qui diminuent encore l’efficience du dépistage demandent de reconsidérer la politique du dépistage mammographique offert à toutes les femmes d’un certain âge.

The worries on mammography screening effectiveness, on overdiagnosis and on the increasing potency of therapies that further diminish the efficiency of screening require to reconsider the policy of offering mammography screening to all women of a certain age.