Résumé 6S53L
Prolonger l’hormonothérapie rend service à toutes les femmes
Extended adjuvant endocrine therapy could help all women
S Guiu
Service d'Oncologie médicale, Institut du Cancer de Montpellier, 208 avenue des apothicaires 34000 Montpellier, France
hormonothérapie, tamoxifene, inhibiteur aromatase, blocage ovarien
endocrine therapy, tamoxifene, aromatase inhibitor, ovarian suppression
Le tamoxifène administré pendant 5 ans a longtemps été le traitement standard en situation adjuvante quel que soit le statut ménopausique, permettant une réduction significative du risque de récidive et de mortalité par cancer du sein à 15 ans de 39% et 30% respectivement (1). Par la suite, les femmes ménopausées ont pu bénéficier d’un traitement par inhibiteur d’aromatase (IA), administré seul ou de façon séquentielle avec le tamoxifène pour une durée totale de 5 ans, permettant de diminuer le risque de récidive avec, dans certaines études, une amélioration modeste de la survie globale (SG) (2).
La moitié des récidives survenant 5 à 15 ans après le diagnostic malgré cette hormonothérapie adjuvante (1), plusieurs études ont posé la question de la durée optimale de ce traitement. Dans l’étude MA.17, le letrozole administré 5 ans après 5 ans de tamoxifène chez les femmes ménopausées a montré une amélioration significative de la survie sans récidive (SSR) à 4 ans (93% vs 87%, p<0,001) (3) et une augmentation de la SG en cas d’atteinte ganglionnaire (HR=0,61, IC95% 0,38-0,98, p=0,04) (4).
Dans 2 études il existe un bénéfice en survie de la prolongation du tamoxifène à 10 ans (versus 5 ans) (5,6). Dans l’étude ATLAS (Adjuvant Tamoxifen: Longer Against Shorter), chez 6846 patientes essentiellement ménopausées, la prolongation du traitement à 10 ans permet une réduction de la mortalité par cancer du sein à 15 ans (15% vs 12,2%, p=0.01) et une diminution du risque de récidive (25,1% vs 21,4%, p=0.002) (5). Dans l’étude aTTom (Adjuvant Tamoxifen-To offer More?), avec 6953 patientes incluses (61% avec statut RE inconnu), on observe une diminution du risque de récidive avec un gain absolu de 4% à 15 ans (28% vs 32%, p=0,003) (6). Les taux de décès liés au cancer du sein ne sont pas significativement différents (21% vs 24%, p=0,06) (6). En revanche on constate une augmentation non négligeable du risque de cancer de l’endomètre (2,9% vs 1,3%, p<0,0001) et de décès par cancer de l’endomètre (1,1% vs 0,6%, p=0 ,02) (6).
Dans 1 étude plus récente réalisée chez 1918 patientes, la prolongation du letrozole à 10 ans (versus 5 ans) permet une amélioration de la survie sans maladie (SSM) à 5 ans (95% vs 91%, HR=0,66, p=0,01) (7). Cette prolongation permet surtout une diminution du risque de cancer controlatéral, sans effet sur la SG et avec une augmentation des risques, notamment osseux (7). Dans une autre étude récente, il n’y a pas de bénéfice en SSM ni en SG de la poursuite d’un traitement par letrozole 5 ans (vs 2,5 ans) après 5 ans d’hormonothérapie adjuvante (8).
Chez les femmes non ménopausées, l’association exemestane plus blocage de la fonction ovarienne (BO) a montré un bénéfice en terme de SSM à 5 ans vs tamoxifene plus BO (91,1% vs 87,3%, HR=0,72, p<0,001) sans bénéfice démontré encore à l’heure actuelle sur la SG (données immatures) (9). L’adjonction d’un BO au tamoxifène ne semble pas, quant à lui, plus efficace que le tamoxifène seul (10).
Suite à l’ensemble de ces résultats, se pose la question à la fois de la durée mais également du schéma de traitement optimal. Les bénéfices (modestes) de la prolongation de l’hormonothérapie doivent être mis en balance avec les effets secondaires (asthénie, troubles vasomoteurs, de l’humeur, musculo-squelettiques et osseux) pouvant altérer la qualité de vie des patientes. Il n’y a actuellement aucun biomarqueur validé pour distinguer les tumeurs à risque de rechute tardive qui pourrait nous aider dans notre décision. Il paraît donc légitime de proposer une prolongation / un renforcement de l’hormonothérapie chez les patientes à plus fort risque de récidive selon les critères habituels (âge, taille, prolifération, présence d'embols et surtout atteinte ganglionnaire). La décision doit cependant être prise au cas par cas, après discussion avec la patiente et en réunion de concertation pluridisciplinaire.

Références
1. Early Breast Cancer Trialists' Collaborative Group (EBCTCG), Davies C, Godwin J, Gray R et al (2011) Relevance of breast cancer hormone receptors and other factors to the efficacy of adjuvant tamoxifen: patient-level meta-analysis of randomised trials. Lancet 378 (9793):771-84
2. Early Breast Cancer Trialists' Collaborative Group (EBCTCG) (2015) Aromatase inhibitors versus tamoxifen in early breast cancer: patient-level meta-analysis of the randomised trials. Lancet 386: 1341-52
3. Goss PE, Ingle JN, Martino S et al (2003) A randomized trial of letrozole in postmenopausal women after five years of tamoxifen therapy for early-stage breast cancer. N Eng J Med 349(19):1793-1802
4. Goss PE, Ingle JN, Martino S et al (2005) Randomized trial of letrozole following tamoxifen as extended adjuvant therapy in receptor-positive breast cancer: Updated findings from NCIC CTG MA.17. J Natl Cancer Inst 97(17):1262-71
5. Davies C, Pan H, Godwin J, et al (2013) Long-term effects of continuing adjuvant tamoxifen to 10 years versus stopping at 5 years after diagnosis of oestrogen receptor-positive breast cancer: ATLAS, a randomised trial. Lancet 381(9869):805-16
6. Gray RG, Rea D, Handley K, et al (2013) aTTom: Long-term effects of continuing adjuvant tamoxifen to 10 years versus stopping at 5 years in 6,953 women with early breast cancer. J Clin Oncol 31sl; abstr 5
7. Goss PE, Ingle JN, Pritchard KI, et al (2016) Extending aromatase-inhibitor adjuvant therapy to 10 years. N Engl J Med 375(3): 209-19
8. Blok EJ, Kroep JR, Meershoek-Klein Kranenbarg E, et al (2018) Optimal duration of extended adjuvant endocrine therapy for early breast cancer: Results of the IDEAL trial (BOOG 2006-05). J Natl Cancer Inst 110(1)
9. Pagani O, Regan MM, Walley BA, et al (2014) Adjuvant exemestane with ovarian suppression in premenopausal breast cancer. N Engl J Med 371(2): 107-18
10. Francis PA, Regan MM, Fleming GF, et al (2015) Adjuvant ovarian suppression in premenopausal breast cancer. N Engl J Med 372(5): 436-46

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Hormonothérapie adjuvante 5 ans (tamoxifène et/ou IA) = standard. Après 5 ans de tamoxifène, le letrozole améliore la survie globale (SG) en cas d'atteinte ganglionnaire. 10 ans d'IA vs 5 ans = amélioration modeste de la survie sans maladie et surtout diminution du risque de cancer controlatéral, sans bénéfice en SG Chez les femmes non ménopausées : diminution de la SSM si exemestane + blocage ovarien, sans bénéfice en SG
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