Résumé H12D9
RADIOTHERAPIE ADJUVANTE : QUELS OUTILS POUR UNE DÉSESCALADE CONCERTÉE ?
ADJUVANT BREAST IRRADIATION : WHICH TOOLS TO TREAT LESS AND SAFE?
C Lemanski
Département de Radiothérapie, ICM Val d'Aurelle, rue des Apothicaires, 34298 MONTPELLIER Cedex5, FRANCE
Desescalade. Radiotherapie adjuvante. Abstention thérapeutique. Outils
Adjuvant breast radiotherapy. Escalation. Tools
La désescalade thérapeutique a débuté assez tardivement en radiothérapie (RT), aussi les résultats manquent, pour certains, encore de recul conséquent.
Si l’efficacité de cette RT n’est plus à démontrer, tant en terme de contrôle local que de mortalité spécifique (1) la désescalade ne peut s’envisager que sur les tumeurs de petit stade et d’excellent pronostic, c’est à dire certains pT1N0, voire les carcinomes in situ.
Pour ces cancers de petit stade, l’irradiation standard délivre, après chirurgie conservatrice, depuis bientôt quarante années, une irradiation de 50 Gy sur l’ensemble de la glande mammaire associé le plus souvent à un boost de 10 à 16 Gy sur le lit opératoire. Sur un fractionnement de 33 fractions (fx) quotidiennes de 2Gy, soit plus de 6 semaines de traitement.
En routine, pour les cancers de bon pronostic, T1N0 SBR1-2, RE+ des femmes ménopausées, la désescalade peut s’envisager par 3 voies :
1- On peut tout d’abord réduire la durée cette irradiation, sans en modifier le volume, en traitant l’ensemble du sein selon un schéma hypofractionné (2,6 à 3,6 Gy /fx) et accéléré (sur 3 à 4 semaines) –RTHF-, Il n’y a pas de consensus sur le fractionnement du boost. Les essais de phase III canadien et anglais START B ayant démontré, pour ces schémas, une équivalence de contrôle local à 10ans, sans altération du résultat cosmétique (2, 3). Les recommandations américaines et la SFRO en France valident cette RTHF pour les cancers du sein pT1-2 pN0, SBR1-2, sans embole, dès 50 ans, sous réserve d’une dosimétrie optimale (pour des seins non volumineux), épargnant les organes à risques (le cœur en particulier). Elle reste cependant, aujourd’hui largement sous-utilisée, en France comme aux USA
2- La RT peut être accélérée et partielle : son volume est alors réduit au seul lit tumoral (IPAS), par diverses techniques (RT externe, curiethérapie (CT) ou séance unique de RT intra-opératoire-IORT-). Techniques jamais comparées entre elles, mais aux résultats carcinologiques similaires. Plusieurs essais de phase III ont, montré une non infériorité de l’IPAS comparé à la RT classique (4, 5), hormis l’essai italien (6) qui incluait des femmes jeunes et des stades N1, grade III. Le recul de ces essais reste encore modeste, mais atteint 10 ans pour la curiethérapie. Si en France, l’INCa recommande l’inclusion de ces patients dans des essais cliniques, les sociétés américaines et européennes valident l’usage de cette IPAS en routine, dans des populations précisément définies et considérées à faible risque
3- Enfin, la désescalade extrême propose l’abstention » de toute RT chez des patientes estimées à très faible risque de rechute locale (RL), souvent estimé à moins de 5% à 5 ans. La méta-analyse de l’EBCTCG met, en effet, en évidence, une réduction de « seulement » 5 à 6% du risque de récidive locale par la RT pour la sous-population des T1N0, RE+, SBR 1, > 60 ans recevant du Tamoxifène. Deux essais de phase III ont ainsi publié, mis en évidence un accroissement du taux de RL à 10 ans de 5 à 13,8 % (p=0,001) dans l’essai canadien et de 2 à 9% (p<0,015) dans celui du CALBG chez les patientes ménopausées T1N0 RE+ recevant du Tamoxifène sans RT (7, 8). Cet écart est jugé « acceptable » outre-Atlantique. Cette désescalade n’est pas validée en France et il est intéressant de noter que le pourcentage de patientes « à faible risque » recevant une RT adjuvante n’a pas diminué aux USA où la stratégie routinière se tourne chez ces patientes plutôt vers l’IPAS (9). Si ces séries ne montraient aucune différence en terme de survie spécifique, la puissance de l’effectif était insuffisante et le recul encore modeste pour permettre d’exclure ce bénéfice.
Il faut, par ailleurs, peut-être aussi prendre en considération, que toutes ces études de désescalade imposaient, dans le schéma sans RT, une hormonothérapie systématique de 5 ans, pour ces stades très précoces. Hormonothérapie dont on connait les indubitables effets secondaires prolongés, ainsi que le très faible taux d’observance.
Pour les carcinomes in situ, la question est aujourd’hui poussée plus loin puisque l’essai de phase III LORIS ouvert en Grande Bretagne et l’essai EORTC 1401 à ouvrir vont comparer le traitement radio-chirurgical standard à la simple surveillance mammographique. Aucun essai prospectif randomisé et sans biais n’ayant réussi à déterminer un sous-groupe ne bénéficiant pas à long terme de l’irradiation adjuvante, celle-ci reste systématique en 2015 dans les recommandations françaises.

QUELS OUTILS ?
Une population « à faible risque » peut vraisemblablement bénéficier d’une désescalade raisonnée. Toute la question reste de choisir les outils pertinents pour la déterminer.
Les critères retenus dans ces études de désescalade ont été validés dans de nombreuses séries ou essais. Ils peuvent être considérés individuellement (10, 11) ou poolés dans des nomogrammes non validés (12) aux écueils nombreux. Ils considèrent avant tout :
- L’impact des traitements autres que la radiothérapie (hormonothérapie, chimiothérapie ou obtention d’une berge saine par la chirurgie).
- Les caractéristiques de la tumeur (faible grade histologique, présence de récepteurs aux œstrogènes, absence d’embole, d’engaînement périnerveux ou de carcinome in situ extensif). Aujourd’hui, le dosage du récepteur Her2 a permis de plus de classer les tumeurs par leur biologie entre formes luminal A, B cerb2 ou basal-like. Il s’agit d’élément de routine majeur des choix thérapeutiques systémique, mais il apparait que ces différents sous-types présentent des taux de rechute local très différents: Estimés à 1% environ à 5 ans pour les luminaux A, à 2% pour les luminaux B, et à 6 à 10% pour les tumeurs proliférantes cerb2+ ou triple négatifs (13–15). Aujourd’hui pourtant, ces classifications n’entrent pas, stricto sensu, dans les indications de radiothérapie locale. De plus la cinétique de leurs rechute locale se révèle très différente : Très précoce (20 à 23 mois) dans les sous-types Her2 ou Basal et beaucoup plus tardif (80 mois) dans les luminaux A et B. Cette notion est majeure et il faut la prendre en considération, lorsque l’on les principales études de désescalade, ciblant les tumeurs luminal A sont toutes publiées avec des reculs de 5 ou 10 ans : il est important de ne pas conclure trop vite, même dans cette sous-population ciblée, à l’absence de bénéfice d’une radiothérapie adjuvant.
L’apport des signatures génomiques reste encore flou quant à l’évaluation d’une population à faible risque de récidive locale, tant sur les formes invasives pour le Wound Signature™ (16)que, plus récemment, sur les formes in situ par le DCIS Score™ (17). Les premières publications n’apportent encore aucune information carcinologique mature et ce score nécessite une validation dans des essais de phase III prospectif pour assoir la possibilité d’abstention de RT adjuvante dans des formes in situ où l’évolutivité est parfois tardive.
- Les outils d’avenir devront, sans aucun doute, prendre aussi d’avantage en considération l’hôte : Hormis l’âge jeune, reconnu comme facteur de mauvais pronostic, il faudra évaluer la sensibilité à l’irradiation et, par conséquent prédire la tolérance. C’est à le sur-risque intrinsèque de la patiente à présenter des séquelles tardives, comme semblent l’estimer le dosage de taux d’apoptose lymphocytaire CD8 ou de certaines protéines (18, 19). Si le programme européen en cours Requite (20) confirme la valeur prédictive de ces biomarqueurs, dosés sur une simple prise de sang, il sera alors sans doute pertinent de cibler la désescalade de la radiothérapie sur des patientes à risque de toxicité.

BIBLIOGRAPHIE
1. EBCTCG (Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group), McGale P, Taylor C, et al. Effect of radiotherapy after mastectomy and axillary surgery on 10-year recurrence and 20-year breast cancer mortality: meta-analysis of individual patient data for 8135 women in 22 randomised trials. Lancet. 2014;383:2127–2135.
2. Whelan TJ, Pignol J-P, Levine MN, et al. Long-term results of hypofractionated radiation therapy for breast cancer. N. Engl. J. Med. 2010;362:513–520.
3. Anon. The UK Standardisation of Breast Radiotherapy (START) Trial B of radiotherapy hypofractionation for treatment of early breast cancer: a randomised trial. The Lancet. 2008;371:1098–1107.
4. Polgár C, Fodor J, Major T, et al. Breast-conserving therapy with partial or whole breast irradiation: Ten-year results of the Budapest randomized trial. Radiother. Oncol. 2013.
5. Vaidya JS, Wenz F, Bulsara M, et al. Risk-adapted targeted intraoperative radiotherapy versus whole-breast radiotherapy for breast cancer: 5-year results for local control and overall survival from the TARGIT-A randomised trial. The Lancet. 2013.
6. Veronesi U, Orecchia R, Maisonneuve P, et al. Intraoperative radiotherapy versus external radiotherapy for early breast cancer (ELIOT): a randomised controlled equivalence trial. Lancet Oncol. 2013.
7. Hughes KS, Schnaper LA, Bellon JR, et al. Lumpectomy Plus Tamoxifen With or Without Irradiation in Women Age 70 Years or Older With Early Breast Cancer: Long-Term Follow-Up of CALGB 9343. J. Clin. Oncol. 2013;31:2382–2387.
8. Fyles AW, McCready DR, Manchul LA, et al. Tamoxifen with or without breast irradiation in women 50 years of age or older with early breast cancer. N. Engl. J. Med. 2004;351:963–970.
9. Soulos PR, Yu JB, Roberts KB, et al. Assessing the impact of a cooperative group trial on breast cancer care in the medicare population. J. Clin. Oncol. Off. J. Am. Soc. Clin. Oncol. 2012;30:1601–1607.
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11. Liu F-F, Shi W, Done SJ, et al. Identification of a Low-Risk Luminal A Breast Cancer Cohort That May Not Benefit From Breast Radiotherapy. J. Clin. Oncol. 2015;33:2035–2040.
12. Sanghani M, Truong PT, Raad RA, et al. Validation of a Web-Based Predictive Nomogram for Ipsilateral Breast Tumor Recurrence After Breast Conserving Therapy. J. Clin. Oncol. 2010;28:718–722.
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15. Arvold ND, Taghian AG, Niemierko A, et al. Age, Breast Cancer Subtype Approximation, and Local Recurrence After Breast-Conserving Therapy. J. Clin. Oncol. 2011;29:3885–3891.
16. Nuyten DSA, Kreike B, Hart AAM, et al. Predicting a local recurrence after breast-conserving therapy by gene expression profiling. Breast Cancer Res. BCR. 2006;8:R62.
17. Solin LJ, Gray R, Baehner FL, et al. A Multigene Expression Assay to Predict Local Recurrence Risk for Ductal Carcinoma In Situ of the Breast. JNCI J. Natl. Cancer Inst. 2013;105:701–710.
18. Azria D, Betz M, Bourgier C, et al. Identifying patients at risk for late radiation-induced toxicity. Crit. Rev. Oncol. Hematol. 2012;84:e35–e41.
19. Lacombe J, Mange A, Azria D, et al. [Identification of predictive biomarkers to radiotherapy outcome through proteomics approaches]. Cancer Radiothérapie J. Société Fr. Radiothérapie Oncol. 2013;17:62–69; quiz 70, 72.
20. West C, Azria D, Chang-Claude J, et al. The REQUITE Project: Validating Predictive Models and Biomarkers of Radiotherapy Toxicity to Reduce Side-effects and Improve Quality of Life in Cancer Survivors. Clin. Oncol. 2014;26:739–742.
Messages clefs/take home message
La désescalade est aujourd’hui envisagée en radiothérapie mammaire pour des populations très ciblées présentant des critères pronostiques favorables connus classiques et validés ( clinique, histologie et biologie tumorales, thérapeutique), dans le cadre d’études prospectives, dont le recul reste encore modeste. Une meilleure connaissance de la biologie tumorale et de la biologie de l’hôte seront demain des éléments clefs dans le choix des patientes devant bénéficier de cette désescalade.
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