Résumé MRUDH
Facteurs histopronostiques des carcinomes canalaires in situ découverts dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein et profil des femmes concernées
Histoprognostic factors of ductal carcinoma in situ diagnosed in mass screening of breast cancer and profile of women concerned
CP Gautier (1), R Rymzhanova (2), C Tournoux-Facon (3)
Les trois co-auteurs ont contribué à part égale à ce travail.
(1) Association pour le Dépistage des CAncers en Vaucluse (A.D.CA 84), 106 avenue de Tarascon – Saint Ruf 2 BP 21081 – 84097 Avignon Cedex 9, France
(2) Association pour le Dépistage des CAncers en Franche-Comté (ADECA-FC), 3 rue Paul Bert, 25000 Besançon, France
(3) Structure de gestion des Dépistages Organisés des Cancers dans la VIEnne (DOCVIE 86), 79 rue de Saint Eloi, 86000 Poitiers, France
carcinomes canalaires in situ
dépistage organisé du cancer du sein
ductal carcinoma in situ
mass screening of breast cancer
Introduction
La proportion de carcinomes canalaires in situ (CCIS) parmi les cancers du sein dépistés en France dans le programme national du dépistage organisé par mammographie s’élève à 15 % et reste conforme au regard du référentiel européen*.
On distingue trois grades histologiques de carcinome in situ : le bas grade, pour lequel la biopsie ne permet pas toujours de faire le diagnostic différentiel avec une hyperplasie canalaire atypique ; le grade intermédiaire et le haut grade. Les grades histologiques constituent un facteur prédictif du potentiel évolutif. Le CCIS de haut grade se développe plus rapidement et est plus agressif. Sans traitement, 40 % des CCIS deviennent des cancers invasifs.
La question du sur-diagnostic se pose en particulier pour les CCIS de bas grade car leur potentiel invasif serait plus faible et leur proportion dans le dépistage paraît importante.
Dans ce contexte, nous avons voulu évaluer l’évolution de la proportion des CCIS sur l’ensemble des cancers du sein diagnostiqués dans le cadre du dépistage organisé ces dernières années et la répartition des grades histologiques depuis 2008, année de l’autorisation de la mammographie numérique dans le programme. Le profil des femmes ayant eu un CCIS a été comparé dans un deuxième temps à celui des femmes avec un carcinome canalaire invasif (CCI).
Matériel et méthodes
Les données ont été recueillies auprès des membres d’ACORDE (Association des médecins coordinateurs). Il s’agit d’une étude descriptive rétrospective portant sur les femmes ayant eu une biopsie suite à une mammographie de dépistage organisé entre 2008 et 2014. Les femmes ont été classées en 6 groupes en fonction du diagnostic final des lésions (suite à la biopsie ou à la chirurgie si réalisée) : bénin, lésions frontières, CCIS, CCI, autres cancers et lésions inclassables (données non récupérées). La part des CCIS au sein de l’ensemble des lésions biopsiées et des cancers a été estimée puis les caractéristiques socio-démographiques, cliniques et histologiques des femmes avec CCIS ont été comparées à celles des femmes avec CCI détectés dans le cadre du dépistage organisé. Les pourcentages ont été comparés par un test du Chi 2 avec test de tendance si adéquat, les médianes ont été comparées par le test de Wilcoxon. L’analyse a été réalisée avec le logiciel statistique SAS.
Résultats
Au 31/08/2016, les données de 28 départements ont été intégrées à l’analyse, soit 60957 femmes ayant eu une biopsie suite à une mammographie réalisée entre 2008 et 2014. Un CCIS pour mille femmes dépistées a été diagnostiqué dans le cadre du dépistage organisé. La proportion de CCIS sur l’ensemble des cancers détectés est relativement stable depuis 2008 : elle passe de 14.9% en 2008 à 14.5% an 2014 ; avec une légère tendance à la diminution à partir de 2012 (14%), après un pic en 2011 à 15.6% (évolution non significative, p=0.23).
Si le système « plein champs » diagnostique plus de CCIS par rapport à la mammographie analogique (15.4% versus 14.04%, p=0.02), il diagnostique également plus de CCI (60.32% versus 56.35%, p<0.0001).
Au total, 4596 femmes ont eu un CCIS et 18635 un CCI, soit respectivement 7.5% et 30.6% du total des lésions biopsiées, et 14.6% et 59.2% des cancers détectés (canalaires ou non).
Parmi les CCIS, on observe 13.9% de bas grade, 38.2% de grade intermédiaire et 47.9% de haut grade entre 2008 et 2014. La proportion des CCIS de bas grade varie peu depuis la mise en place de la mammographie numérique et son large déploiement avec une proportion observée de 15.5% avant 2010 et de 13.1% à partir de 2011 (p=0,12).
Comparativement aux femmes présentant un CCI, celles avec CCIS sont plus jeunes (médiane de 61 ans versus 63 ans, p<0.0001). La proportion de CCIS est plus élevée chez celles qui ont eu une mammographie antérieure (20.8% versus 18.1%, p =0,0003). Elle est plus faible si la dernière mammographie date de plus de 3 ans (17.7% versus 20.8%, p<0,0001). La densité mammaire élevée semble être plus volontiers associée aux CCIS (22.6% versus 19.2%, p <0,0001). Les antécédents familiaux ne sont pas discriminants (p=0,89). L‘examen clinique est anormal pour 5.5% des CCIS contre 33.1% des CCI (p<0,0001).
La mastectomie totale est réalisée pour 23.4% des CCIS (contre 18.9% des CCI, p<0.0001). Enfin 8.2% des CCIS sont détectés en 2° lecture contre 5.1% des CCI (p<0,0001).
Conclusion
Au total, la proportion des CCIS parmi l’ensemble des cancers détectés chez les femmes biopsiées suite à une mammographie de dépistage organisé varie peu entre 2008 et 2014, et répond au référentiel européen* (10 – 20%), même si la part des CCIS détectée par les mammographes plein champ est plus importante. L’éventuel risque de sur-diagnostic et donc de sur-traitement lié au dépistage de CCIS de bas grade reste stable dans la population dépistée en France depuis 2008.
Les femmes avec un CCIS sont plus jeunes, elles ont eu plus fréquemment une surveillance rapprochée (fréquence de la mammographie antérieure de moins de 3 ans) et des seins plus denses que les femmes présentant un CCI. Enfin la 2° lecture contribue plus au diagnostic des CCIS que celui des CCI.
Ces résultats préliminaires doivent cependant être confirmés sur l’ensemble de départements français et à plus long terme.
* European guidelines for quality assurance in breast cancer screening and diagnosis. 4 th Edition European Commission 2016
Messages clefs/take home message
La proportion des CCIS de bas grade et de grade intermédiaire varie peu depuis la mise en place de la mammographie numérique. L’éventuel risque de sur-diagnostic et donc de sur-traitement lié au dépistage de carcinomes canalaires in situ de bas grade reste stable dans la population dépistée.
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