Résumé OXLCW
Dépistage positif en deuxième lecture : quel vécu pour la femme et le radiologue ?
Positive screening after second reading: what experience for the woman and the radiologist?
J Brousse-Potocki (1), MO Ribrag-Barth (2), ACORDE (3)
(1) Médecin coordonnateur, ADECAM, dépistage des cancers en Morbihan, 14 allée François Joseph-Broussais 56000 Vannes
(2) Radiologue coordonnateur, ADECAM, dépistage des cancers en Morbihan, 56000 Vannes
(3) Association des coordonnateurs de dépistage, 51100 REIMS
Dépistage organisé, cancer du sein, deuxième lecture, fidélisation
Screening program, breast cancer, second reading, retention
CONTEXTE
Depuis la mise en place du dépistage organisé (DO) étendu à l’ensemble du territoire français en 2004, les mammographies jugées normales par un premier lecteur sont relues systématiquement par un deuxième lecteur.
Il s’agit donc en quelque sorte du contrôle systématique du travail d’un médecin par un collègue ce qui est nouveau et possiblement déstabilisant, impliquant parfois une remise en cause profonde de sa pratique.
Il nous a paru intéressant d’évaluer au bout d’une dizaine d’année d’expérience le vécu par le radiologue et par la femme de cette deuxième lecture (L2) quand elle était positive.
La lecture du compte-rendu du premier lecteur après une L2 positive laisse entrevoir souvent son incompréhension voire parfois son mécontentement manifeste. Son jugement reste t il objectif ? Ce d’autant que l’on retrouve des faux négatifs du bilan différé sous forme de cancer de l’intervalle ou de cancer dépisté lors de la vague suivante.
Pour la femme que l’on rappelle après une L2 positive alors qu’on lui avait dit que sa mammographie était normale, cela peut être vécu d’une façon extrêmement anxiogène et donc délétère dans les cas où ce rappel ne débouche pas sur un diagnostic de cancer.

OBJECTIFS ET MÉTHODES
Nous avons donc essayé d’évaluer ce vécu des radiologues et des femmes grâce à deux enquêtes :
- un questionnaire en ligne adressé à tous les radiologues sénologues français
- une étude adressée aux structures de gestion par le biais d'ACORDE, visant à comparer les taux de fidélisation des femmes dépistées de 2003 à 2012 réparties en 3 groupes :
- celles ayant eu une L2 positive sans cancer dépisté,
- celles étant restées positives en fin de première lecture (L1) sans cancer dépisté,
- celles ayant été négatives en fin de L1 et en L2.

RÉSULTATS
A ce jour, 402 radiologues de 56 départements sur 98 ont répondu au questionnaire : 42% de femmes, 58% d'hommes, moyenne d'âge 54 ans (de 31 à 74 ans).
Pour 43% d'entre eux, leur expérience dans le programme de dépistage organisé a débuté avant 2003, c'est-à-dire avant la généralisation, 49% ont une expérience de plus de 5 ans depuis le début de la généralisation en 2003, et 8% ont une expérience de moins de 5 ans. 15% déclarent faire moins de 500 mammographies par an dans le cadre du DO, 55% déclarent en faire entre 500 et 1000 et 30% plus de 1000. 41% des radiologues qui ont répondu sont deuxièmes lecteurs.

Il ressort des réponses une adhésion globalement satisfaisante à cette deuxième lecture même si certains radiologues, très peu nombreux, la trouvent inutile, chronophage et trop anxiogène pour les patientes.
Dans la très grande majorité des cas, les radiologues pensent qu’elle a permis d’améliorer la qualité du dépistage et notamment de façon indiscutable la qualité technique des clichés.
Ils arrivent à exprimer des difficultés de remise en cause, surtout au début de leur expérience de la L2, mais la majorité accepte le principe sereinement (69%).
Pour 65 % d'entre eux, la L2 donne un sentiment de sécurité et 92% trouvent la fréquence des retours raisonnable.
Cependant, ils estiment en majorité que les retours sont trop souvent injustifiés.
Beaucoup se plaignent de deuxièmes lecteurs qu’ils jugent peu compétents, positivant toujours pour "rien". Ils pensent que certains deuxièmes lecteurs ne devraient pas l'être et posent la question de leur sélection, de leur formation, et du suivi de leurs performances.

Dans 12% des cas, le radiologue rappelle lui-même la femme positivée en L2 ; c'est son secrétariat dans 76% des cas.
Dans 98% des cas, il revoit lui même la femme dont la mammographie a été positivée. Ils sont nombreux à exprimer que cela est essentiel.
En majorité, ils n’ont pas de difficulté particulière avec leur patiente rappelée, arrivant à lui expliquer le motif du rappel et à la rassurer. Ils notent tous que cette expérience est anxiogène pour les femmes et le regrettent pour elles quand ils estiment le rappel non justifié. Dans la grande majorité des cas les femmes leur restent fidèles par la suite.
In fine, avec du recul, 86% des radiologues pensent que la réaction de leur patiente a été plutôt positive reconnaissant le sérieux du programme de dépistage.

Ceci est en concordance avec les résultats de l’étude de fidélisation des femmes qui montre que sur l’ensemble des départements ayant pour l’instant répondu (37 départements dont les résultats vont tous dans le même sens), les femmes "positivées" par la L2 sans cancer dépisté, restent fidèles au programme (82%), un peu moins bien que les femmes "négatives" en L1 et L2 (90%), mais mieux que les femmes "positivées" en fin de L1 sans cancer dépisté (78%).

CONCLUSION
Cette enquête semble montrer que malgré les difficultés pour les radiologues, et l'anxiété pour les femmes générées par une L2 positive, la L2 est reconnue par les deux groupes comme un gage de sérieux du programme. Globalement, les femmes restent fidèles au programme, et les radiologues estiment que la L2 a permis une amélioration de la qualité du dépistage. Ils insistent sur l'importance de l'expertise du deuxième lecteur pour éviter les trop nombreux rappels injustifiés.

BIBLIOGRAPHIE
1. Netter E. (2000) Quels bénéfices pour un dépistage organisé ? le point de vue du radiologue. XXIIe Journées Nationales de la SFSPM. Toulouse
2. Dépistage organisé du cancer du sein (2012) Numéro thématique. Bull Epidemiol Hebd 2012;35-36-37.
3. Kalecinski J., Régnier-Denois V., Ouédraogo S. et al. (2015) Dépistage organisé ou individuel du cancer du sein ? Attitudes et représentations des femmes. Santé Publique Volume 27/N°2 -mars-avril 2015 213-220
4. Gros D. "J'ai les réponses ! Qui a les questions ?" Réflexions dur la culture du dépistage (2008) Oncomagazine - mai 2008 - vol 2 N°2 31-36

Remerciements sincères à nos collègues d'ACORDE pour leur participation, et en particulier à Michel Thirion pour sa contribution.
Messages clefs/take home message
- seconde lecture difficile à vivre pour les radiologues et les femmes mais reconnue comme un gage de sérieux du programme. - les radiologues insistent sur l'importance de l'expertise du deuxième lecteur. - on ne note pas de chute du taux de fidélisation des femmes après deuxième lecture positive.
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