Résumé RA4M3
Risque de cancer du sein chez les hôtesses de l’air : revue de la littérature et méta-analyse.
Risk of breast cancer in female flight attendants : literature review and meta-analysis.
AS Gassmann (1), V Gabriele (2), M Gonzalez (3), C Mathelin (4)
(1) Unité de sénologie, Hôpital de Hautepierre, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, avenue Molière, 67200 Strasbourg cedex, France
(2) Unité de sénologie, Hôpital de Hautepierre, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, avenue Molière, 67200 Strasbourg cedex, France
(3) Service de Pathologie Professionnelle et Médecine du Travail, Hôpital Civil, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 67092 Strasbourg cedex, France
(4) Unité de sénologie, Hôpital de Hautepierre, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, avenue Molière, 67200 Strasbourg cedex, France

Mots clés : Hôtesses de l’air; risque de cancer du sein; mélatonine; rayon
Keywords : Female flight attendants; breast cancer risk; melatonin; cosmic
Gynécologie Chirurgie
Contexte. La santé au travail est un sujet d’actualité. Plusieurs études ont déjà démontré une augmentation du risque de cancer du sein chez le personnel travaillant la nuit. Nous avons choisi d’étudier le risque de cancer du sein chez les hôtesses de l’air (1).

Objectif. L’objectif de notre étude était d’évaluer le niveau de risque des hôtesses de l’air face au cancer du sein à partir d’une revue actualisée de la littérature et d’une méta-analyse des études recueillies ces vingt dernières années.
Matériels et méthodes. Les articles analysés ont été extraits de la base de données PUBMED, du 1er janvier 1995 au 30 juin 2015 par l’intermédiaire des mots clés suivants : « breast cancer », « flight attendants », « airline cabin crew » et « flight personnel ». Au total, nous avons retenu 11 articles dont 10 études de cohorte rétrospectives et 1 étude cas-témoins. Nous avons réalisé une méta-analyse en utilisant le logiciel : « Review Manager (RevMan) [Computer program]. Version 5.3. Copenhagen: The Nordic Cochrane Centre, The Cochrane Collaboration, 2014 ».
Résultats. L’incidence du cancer du sein est significativement augmentée chez les hôtesses de l’air avec un Odds Ratio (OR) à 1,43, IC 95 % [1,30 – 1,56]. Cependant, nous n’avons pas montré d’augmentation significative de la mortalité par cancer du sein avec un OR à 1,09, IC 95 % [0,95-1,26].
La durée d’exercice de la profession d’hôtesse de l’air (> à 15 ans) (Standardized Incidence Ratio (SIR) 1, 57 IC 95 % [1,16 – 2 ,08] vs 0,96 IC 95 % [0 ,48 – 1,73]), les vols longs, à haute altitude (SIR 1, 79 IC 95 % [1,21 – 2 ,54] vs 1, 21 IC 95 % [0 ,80 – 1,75]) , l’âge précoce à la première embauche (avant 25 ans : SIR 1, 72 IC 95 % [1,23 – 2 ,34] vs 1, 09 IC 95 % [0 ,65 – 1,70]) et les antécédents familiaux de cancer du sein (OR 2,67, IC 95 % [1,00-7,08]) sont identifiés comme des facteurs de risque supplémentaires dans cette population.

Discussion. L’augmentation du risque de cancer du sein chez les hôtesses de l’air est observée dans toutes les études publiées (1), bien que les taux et la significativité varient d’une étude à l’autre. De nombreux facteurs étiologiques semblent être impliqués dans ce risque accru.
En premier lieu, le travail de nuit (2), tout comme le décalage horaire, avec une exposition à la lumière artificielle durant la nuit, perturbe la synthèse de la mélatonine au niveau de la glande pinéale, hormone ayant des propriétés oncostatiques sur la glande mammaire. La question d’une supplémentation systématique des hôtesses de l’air en mélatonine est légitime. Cependant, dans l’état actuel des connaissances, ce traitement n’a pas prouvé, à ce jour, un bénéfice significatif chez les travailleurs postés ou de nuit.
En second lieu, l’exposition professionnelle aux radiations cosmiques, agents carcinogènes mammaires, semble être également un facteur de risque à l’origine de l’augmentation de l’incidence du cancer du sein chez les hôtesses de l’air, tout comme celle du mélanome, des leucémies et des lymphomes. Ce risque est particulièrement important depuis 1971( SIR 4,1 IC 95% [1,7-8,5] versus SIR 1, 2, IC 95% [0,7-1,9] si embauche avant 1971) (3), année de changement de la flotte aérienne, à l’origine d’une augmentation de l’exposition aux radiations ionisantes du personnel aérien, liée à des vols long-courriers à plus haute altitude. Le rôle des radiations cosmiques n’est cependant pas univoque dans toutes les études; ces différences semblent être liées à des difficultés de mesure de l’irradiation exacte. Le port d’un dosimètre au travail pourrait être un moyen efficace pour évaluer l’importance de l’irradiation chez les hôtesses de l’air.
En dernier lieu, les facteurs hormonaux, tels la nulliparité et l’âge tardif à la première naissance sont des facteurs de risque de cancer du sein, également identifiés chez les hôtesses de l’air. Une étude suédoise (4) a montré que seulement 7 % des hôtesses de l’air avaient leur première grossesse avant l’âge de 25 ans versus 51 % dans la population suédoise. Les facteurs hormonaux seraient à l’origine d’une augmentation de 10 % de l’incidence du cancer du sein chez les hôtesses de l’air (SIR 1,10).
Cependant, malgré l’augmentation de l’incidence du cancer du sein chez les hôtesses de l’air, on ne retrouve pas d’augmentation significative de la mortalité par cancer du sein. Ceci reflète le « healthy worker effect » (1): les hôtesses de l’air ont un meilleur accès aux soins avec une surveillance médicale accrue et régulière. Le diagnostic de cancer est alors fait précocement, entraînant probablement une meilleure survie chez ces femmes.
D’après toutes ces données, il paraît légitime de proposer une surveillance mammaire renforcée en médecine du travail aux hôtesses de l’air, qui pourrait être similaire à celle proposée aux femmes à haut risque de cancer du sein.

Conclusion. Le risque de cancer du sein est augmenté chez les hôtesses de l’air, mais sans augmentation de la mortalité par cancer du sein. Cet excès de risque est d’origine multifactorielle. Le rôle de la mélatonine a été supposé via les perturbations du rythme circadien lié au travail de nuit et au décalage horaire. Une surveillance accrue des hôtesses de l’air face au cancer du sein semble donc conseillée.
Références.
1. Gassmann A-S, Gonzalez M, Mathelin C. Have female flight attendants an over-risk of breast cancer?. Gynécologie Obstétrique Fertil. 2015 Jan;43(1):41–8.
2. Kamdar BB, Tergas AI, Mateen FJ, Bhayani NH, Oh J. Night-shift work and risk of breast cancer: a systematic review and meta-analysis. Breast Cancer Res Treat. 2013 Feb;138(1):291–301.
3. Rafnsson V, Tulinius H, Jónasson JG, Hrafnkelsson J. Risk of breast cancer in female flight attendants: a population-based study (Iceland). Cancer Causes Control CCC. 2001 Feb;12(2):95–101.
4. Linnersjö A, Hammar N, Dammström B-G, Johansson M, Eliasch H. Cancer incidence in airline cabin crew: experience from Sweden. Occup Environ Med. 2003 Nov;60(11):810–4.
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