Résumé TORQ0
La gigantomastie gravidique bilatérale : à propos de deux cas
Bilateral gestational macromastia: two cases report
A Dhollande (1), J Quemener(1), H Crémieu (2), D Vinatier (1), L Boulanger (1)

(1) service de chirurgie gynécologique, Centre hospitalier régional et universitaire de Lille, Maternité Jeanne de Flandre, Avenue Eugène Avinée, 59037, Lille, France

(2) service de chirurgie gynécologique, centre hospitalier de Valenciennes, Maternité Monaco, Avenue Desandrouin, 59300, Valenciennes
gigantomastie gravidique; hyperplasie; mastectomie bilatérale;
gestational macromastia; hyperplasia; bilateral mastectomy;
Chirurgie Autres
Contexte : La gigantomastie gestationnelle est une pathologie rare, dont l’incidence est estimée autour de 1 pour 100 000 naissances [1, 2, 3]. L’apparition a lieu dans deux tiers des cas au premier trimestre [3]. En l’absence de traitement, l’augmentation dure jusqu’à l’accouchement puis une régression incomplète survient en post-partum. C’est une hypertrophie mammaire pathologique consécutive à une évolution monstrueuse et diffuse de l’hyperplasie épithéliale habituelle survenant au cours ou au décours de la grossesse, et difficile à distinguer de autres lésions mammaires proliférantes [1]. Cette pathologie pose des problèmes étiopathogéniques car plusieurs hypothèses laissent supposer une origine hormonale. La cause exacte reste incertaine, mais cette pathologie relève d’une prolifération bénigne: sur plus de 100 cas recensés, la littérature en rapporte un seul correspondant à une prolifération maligne lymphomateuse [4].

Objectif : Nous rapportons deux cas de gigantomastie gravidique bilatérale dans le but de discuter les aspects étiopathogéniques, diagnostiques et thérapeutiques.

Méthode : Il s’agissait d’une patiente de 25 ans, primipare, deuxième geste, et d’une patiente de 22 ans, primipare, primigeste, prises en charge pour une gigantomastie gravidique bilatérale survenue au premier trimestre de grossesse. L’imagerie était compatible avec une gigantomastie gravidique bilatérale. La première a accouchée par césarienne pour dystocie cervicale, après mise en travail spontané et la deuxième patiente a accouché voie basse de manière eutocique. Les patientes ont bénéficié de soins locaux jusqu’à l’issue de leur grossesse. Dans le post-partum, il existait une régression partielle de la gigantomastie gravidique mais avec la persistance d’une flèche aréolo-mamelonnaire supérieure à 40cm de manière bilatérale, pour les deux patientes. Une mastectomie totale bilatérale a été réalisée, six mois après l’accouchement pour l’une et trois mois après pour l’autre, avec conservation d’une partie de l’étui cutané. Dans le même temps, il a été réalisé une reconstruction mammaire bilatérale par prothèses rétro-pectorales associées à un lambeau dermique autologue et une greffe aréolo-mamelonnaire selon le procédé de Thorek. A trois mois de l’intervention, les deux patientes étaient satisfaites du résultat.

Résultat : La gigantomastie est une hypertrophie mammaire exubérante, dont le volume dépasse 1500cm3 [1]. Elle est le plus souvent bilatérale, comme c’est le cas dans nos observations. Un seul cas de gigantomastie unilatérale a été rapporté [2]. La gigantomastie est très souvent décrite dans des circonstances liées à une inflation hormonale, notamment en œstrogènes. Il s’agit essentiellement de la grossesse et de la puberté. Seulement deux cas sont décrits en dehors de ces deux périodes [2], mais jamais après la ménopause. La gigantomastie gravidique est rare, sa fréquence est mal évaluée. La gigantomastie survient le plus souvent chez une patiente multipare. Ces femmes n’ont en général pas d’antécédent particulier et n’ont présenté aucune pathologie lors des premières grossesses [1]. Nos patientes étaient deuxième geste (observation n°1), et primigeste (observation n°2). La patiente deuxième geste avait présenté une première grossesse dont l’issue était une fausse couche hémorragique au premier trimestre, à huit semaines d’aménorrhées et n’avait pas présenté de modifications mammaires particulières. La gigantomastie gravidique apparaît dès la fin du premier trimestre de la grossesse. Aucun facteur de risque n’est retenu de façon certaine [1]. Chez nos patientes, la gigantomastie mammaire est effectivement apparue au premier trimestre de la grossesse. Les femmes caucasiennes semblent davantage atteintes que les afro-américaines [2]. Ici, nos deux patientes sont caucasiennes. La physiopathologie est très discutée. Le facteur le plus important serait un déséquilibre hormonal. L’augmentation du nombre des récepteurs d’estrogène et/ou de progestérone a été mise en cause. Chargui et al. [3] a retrouvé un taux élevé des récepteurs aux estrogènes dans leur étude, alors que cette hypothèse n’a pas été retrouvée par Lafrenière et al. [2]. Les dosages hormonaux sont habituellement normaux. Sur le plan histologique, cette entité anatomopathologique rare est confirmée et caractérisée par une hypertrophie conjonctive associée à une hyperplasie épithéliale bénigne et diffuse développée aux dépens des lobules et sans atypies cellulaires comme chez nos patientes. Le tissu est scléreux, peu cellulaire, les canaux galactophoriques apparaissent dilatés et anfractueux, tapissés d’un épithélium floride pluristratifié, constitué souvent de petites touffes papillaires intracanalaires [1]. L’absence d’encapsulation nette permet d’éliminer l’adénofibrome et la tumeur phyllode. L’aspect clinique est typique, les seins sont tendus douloureux et augmentent rapidement de volume rassemblant à une mastite inflammatoire ou carcinomateuse. Des complications majeures peuvent apparaître à type de troubles trophiques, d’ulcération cutanée, de nécrose de risque hémorragique [1]. Le traitement de choix est la chirurgie dont les modalités dépendent de l’existence de complications, du volume du sein, de la durée de la grossesse et du degré d’incapacité. Il n’existe pas de consensus sur la chirurgie. Si on réalise une réduction mammaire, celle-ci doit être suivie de traitement hormonal car une récidive au cours d’une grossesse est possible. La mastectomie totale paraît donc être le traitement de choix. Après un traitement chirurgical par mammoplastie, il faut recommander une période de deux ans avant la prochaine grossesse [3]. Le désir d’une autre grossesse est, ainsi, un critère majeur de choix entre les techniques de mastectomie-reconstruction ou celles de plastie mammaire de réduction. En fonction de l’âge de la grossesse, des auteurs proposent au premier trimestre un avortement thérapeutique suivi d’une mastectomie totale bilatérale [1]. Cependant l’interruption thérapeutique de la grossesse pose d’évidents problèmes éthiques [2]. Au deuxième et troisième trimestre, il faut recourir aux soins locaux, aux bandages mammaires et aux antalgiques. Il n’existe pas de consensus sur la voie d’accouchement. Il est tout à fait possible d’accoucher voie basse. Il est préférable d’attendre la maturité fœtale si possible, avant de faire naître l’enfant.


Conclusion : La gigantomastie gravidique est une pathologie rare, dont l’étiologie est encore controversée. Les récidives fréquentes après réduction mammaire justifient une mastectomie totale avec possibilité d’une reconstruction mammaire immédiate.
Les auteurs déclarent qu’il n’y a aucun conflit d’intérêt.
Bibliographie :

[1]Dem A., Wone H., Faye M., Dangou J.M., Touré P. La gigantomastie gravidique bilatérale. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2009; 38 : 254-257

[2] Lafrenière R., Temple W., Ketchman A. Gestationnal macromastia. Am J Surg 1984; 148 : 413-418

[3] Chargui R., Houimli S., Damak T., Khomsi F., Ben Hasouna J., Gamoudi A. , et al. Relapse of gigantomastia after mammoplasty. Ann Chir 2005; 130 : 181-185

[4] Windom K.W., McDuffie R.S. Non-Hodgkin’s lymphoma presenting with gigantomastia in pregnancy. Obstet Gynecol 1999; 93 : 852

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