Résumé V6987
Recommandations INCa/SFSPM de prise en charge du carcinome canalaire in situ - questions d’actualité
Management of patients with ductual carcinoma in situ: French national guidelines
BESNARD S., Institut national du cancer, 52 avenue André Morizet, 92 100 Boulogne Billancourt, France
CUTULI B., Institut du cancer Courlancy Reims, 38 rue de Courlancy, 51100 Reims, France
TUNON DE LARA C., service de chirurgie, Institut Bergonié, 229 Cours de l’Argonne 33076 Bordeaux, France
ARNAUD A., Service de Radiothérapie, Institut Sainte-Catherine 250 Chemin de Baigne Pieds, 84918 Avignon Cedex 9, France
BERTHEAU P., Service d’anatomie pathologique, Hôpital Saint-Louis, 1, Avenue Claude Vellefaux 75010 Paris, France
BOULANGER L., Service de chirurgie gynécologique et mammaire, Hôpital Jeanne de Flandre, Av. Avinée, 59037 Lille, France
BOUTE V., Service d’imagerie médicale, Centre François Baclesse, 3 avenue du général Harris, 14076 Caen et cabinet privé, France
CEUGNART L., Département d’Imagerie, Centre Oscar Lambret, 3 rue Fréderic Combemale, 59000 Lille, France
CHAUVET MP., Département de cancérologie sénologique, Centre Oscar Lambret, 3 rue Fréderic Combemale 59000 Lille, France
COUTANT C., Service de Chirurgie, Centre Georges-François Leclerc, Rue du Professeur Marion 21000 Dijon, France
DE CREMOUX P., Unité d’oncologie moléculaire, Hôpital Saint-Louis, 1, Avenue Claude Vellefaux 75010 Paris, France
FOURQUET A., département de radiothérapie, Institut Curie, 26 rue d'Ulm 75248 Paris, France
HENNEQUIN C., service de cancérologie et radiothérapie Hôpital Saint-Louis, 1, Avenue Claude Vellefaux 75010 Paris, France
LESIEUR A., Accueil Cancer Paris, 18, rue Quincampoix 75004 Paris, France
LESUR A., service d’oncologie, Institut de Cancérologie de Lorraine, 6 Avenue de Bourgogne 54519 Nancy, France
LÉVY L., cabinet privé, 31 avenue Hoche, 75008 Paris, France
SCEMAMA O., Institut national du cancer, 52 avenue André Morizet, 92 100 Boulogne Billancourt, France
VERDONI L., Institut national du cancer, 52 avenue André Morizet, 92 100 Boulogne Billancourt, France
VINCENT-SALOMON A., service de pathologie, Institut Curie, 26 rue d'Ulm 75248 Paris, France
CCIS, recommandations de pratiques, diagnostic, chirurgie, radiothérapie
DCIS, clinical practice guidelines, diagnosis, surgery, radiotherapy
Contexte
L’Institut National du Cancer (INCa) et la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM) ont élaboré en 2009 des recommandations nationales abordant l’ensemble de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des carcinomes canalaires in situ (CCIS). Depuis, de nouvelles publications ont fait émerger des interrogations en termes de bonnes pratiques et sur les possibilités de désescalade thérapeutique dans la prise en charge des CCIS. Compte tenu du questionnement actuel sur le surdiagnostic et son corollaire le surtraitement, ces recommandations devaient être actualisées afin de mettre à disposition des professionnels des informations sur les bonnes pratiques correspondant à l’état le plus récent des connaissances scientifiques et d’étudier notamment les possibilités de désescalade thérapeutique.
La consultation préalable de sociétés savantes ainsi qu’un travail préparatoire de l’INCa ont permis de définir le périmètre des recommandations 2014/2015 et d’identifier 12 questions cliniques à traiter abordant le diagnostic, la chirurgie et la radiothérapie notamment.

Méthode
La méthode d’élaboration de ces recommandations a reposé sur l’analyse critique des meilleures données scientifiques disponibles (avec attribution d’un niveau de preuve) et sur l’avis argumenté des experts. Le groupe de travail multidisciplinaire a été constitué après appel à candidature auprès des sociétés savantes et diffusé sur le site de l’INCa, sur la base de l’expertise clinique et de l’absence de conflits d’intérêt (selon les règles institutionnelles en vigueur). La coordination scientifique a été assurée par un radiothérapeute (Dr B Cutuli) et un chirurgien (Dr C Tunon de Lara). La recherche bibliographique, l’analyse méthodologique et la synthèse des données scientifiques ont été réalisées par l’INCa, avec l’appui du groupe de travail. Les recommandations ont été formulées par le groupe de travail et soumises à plus d’une centaine de médecins relecteurs répartis sur l’ensemble du territoire national, identifiés par les réseaux régionaux de cancérologie et les sociétés savantes concernées. Des représentantes de patientes ont également pris part au travail d’élaboration et à la relecture des recommandations.
Une recherche bibliographique systématique a été réalisée sur la période comprise entre janvier 2009 et octobre 2013, en plus des articles connus des membres du groupe de travail et d’une veille bibliographique conduite jusqu’en octobre 2014. Au final, 116 articles pour lesquels une analyse critique et une extraction des données ont été réalisées composent le socle bibliographique de ce travail. Il est cependant à noter que compte-tenu du faible niveau de preuve pour la plupart des questions, les recommandations proposées reposent principalement sur l’avis des experts du groupe de travail.
La version finale des recommandations, prenant en compte l’avis des relecteurs, a été examinée par le comité des expertises et des publications de l’INCa et validée par sa Présidente.

Résultats
Les 12 questions traitées ainsi que les recommandations sont présentées ci-dessous :

Q1. En cas de microcalcifications, la microbiopsie doit-elle toujours être considérée comme une alternative à la macrobiopsie ?
En cas de microcalcifications BIRADS 4-5 isolées à la mammographie :
- une macrobiopsie stéréotaxique assistée par le vide est recommandée ;
- en cas d’exérèse radiologiquement complète, un clip repère sera posé dans chaque site biopsié ;
- en cas de microcalcifications étendues ou de foyers multiples avec indication potentielle de mastectomie totale, il est recommandé de prélever 2 sites distincts ;
- il est recommandé de réaliser une échographie mammaire à la recherche de critères échographiques BIRADS 4-5, surtout si la taille du foyer de microcalcifications est > 20 mm ou en cas de seins denses (densité C ou D selon la classification BIRADS ).

En cas de microcalcifications BIRADS 4-5 à la mammographie et présence de cibles échographiques BIRADS 4-5 :
- une microbiopsie échoguidée est recommandée à la recherche d’une composante invasive. Si le résultat de la microbiopsie est bénin (à l’exclusion des lésions atypiques), une macrobiopsie stéréotaxique assistée par le vide, sur le signal calcique, est recommandée.

Pour les autres types d’images mammographiques (masses, distorsion architecturale, asymétrie de densité), une échographie mammaire est recommandée. Le type de biopsie et le mode de guidage seront adaptés en fonction du type de résultats échographiques.


Q2. Quelles sont les indications actuelles de l’IRM dans le bilan d’imagerie diagnostique ?
L’IRM n’est pas recommandée dans le bilan pré thérapeutique d’un CCIS sauf :
- chez les femmes à haut risque de cancer du sein (selon les recommandations HAS 2014 ), si l’IRM n’a pas été faite dans le bilan diagnostique,
- en cas de maladie de Paget et de bilan radiologique conventionnel (mammographie et échographie mammaire) normal.
L’IRM peut être discutée en cas de discordance radioclinique .

Q 3. La biopsie est-elle suffisante pour diagnostiquer un CCIS de bas grade ?
Sur une pièce de macrobiopsie, le diagnostic de CCIS de bas grade peut être suspecté si la taille du foyer dépasse 2 mm. Le diagnostic de CCIS de bas grade sur macrobiopsie doit toujours être confirmé sur la pièce opératoire. En cas de discordance entre une hyperplasie canalaire atypique et un CCIS de bas grade, une confrontation et une synthèse des données de la macrobiopsie et de la pièce opératoire sont recommandées avant toute décision de traitement de type mastectomie totale ou radiothérapie .

Q 4. Existe-t-il une sous-population de femmes pour laquelle la chirurgie n’apparaît pas justifiée au regard de son ratio bénéfices/risques ? Le cas échéant, quelles modalités de suivi de ces femmes seraient alors recommandées ?
Il n’est pas recommandé aujourd’hui de proposer une surveillance active comme alternative au traitement local, en dehors d’essais cliniques.

Q 5. Quels facteurs pronostiques faut-il considérer pour choisir entre une chirurgie radicale ou conservatrice ?
Sur la base des données de la littérature et de l’avis du groupe de travail, il est recommandé de considérer plusieurs facteurs pour proposer une mastectomie. Le type de chirurgie repose sur :
- la faisabilité chirurgicale d’un traitement conservateur du sein : étendue et nombre de lésions avec nécessité d’obtention de berges saines (≥ 2 mm) et d’un résultat esthétique satisfaisant ;
- le choix de la patiente si un traitement conservateur est possible.
L’âge jeune de la patiente ne constitue pas en soi une indication de mastectomie.

Q 6. Quel est le bénéfice attendu d’une biopsie du ganglion sentinelle ?
En cas de CCIS pur, compte tenu du très faible taux d’envahissement ganglionnaire et de la morbidité de la technique du ganglion sentinelle, la recherche du ganglion sentinelle (GS) n’est recommandée qu’en cas de risque important de sous-estimation de lésions invasives, c'est-à-dire en cas de :
- amas étendu de microcalcifications nécessitant un geste d’exérèse large (mastectomie totale d’emblée ou geste d’oncoplastie complexe). Dans ces cas, le prélèvement secondaire du GS sera impossible en cas de mastectomie ou rendu difficile en cas d’oncoplastie ;
- masse palpable ou masse radiologique ou une image de distorsion architecturale BIRADS 4-5.
Un haut grade nucléaire ne constitue pas à lui seul une indication à rechercher l’atteinte de GS.
En cas d’échec de détection du GS, on ne proposera pas de curage axillaire.

Q 7. Quelles modalités techniques de mastectomie suivie d’une reconstruction mammaire immédiate choisir dans la prise en charge du CCIS ?
La mastectomie totale avec ablation de la plaque aréolo-mamelonnaire (PAM) et de l’étui cutané est la technique de référence.
Une reconstruction immédiate doit être systématiquement proposée.
Dans ce cas, une mastectomie avec conservation de l’étui cutané et résection de la PAM, malgré l’absence d’études la comparant au traitement de référence, peut être proposée, en raison du bénéfice sur la qualité de vie.
La mastectomie avec conservation de l’étui cutané et de la PAM est une technique chirurgicale qui doit être encore évaluée.

Q 8. Après une chirurgie conservatrice du sein, existe-t-il des femmes pour lesquelles l’abstention d’une radiothérapie pourrait être discutée ?
En cas de CCIS confirmé, la radiothérapie est recommandée après traitement chirurgical conservateur (avec marges d’exérèse ≥ 2 mm).

Q 9. Après une chirurgie conservatrice du sein, quelles modalités d’irradiation retenir ?
Irradiation Partielle Mammaire :
L’irradiation partielle mammaire n’est pas recommandée.

Surimpression :
Dans l’attente des résultats des essais thérapeutiques en cours et en l’absence d’accord au sein du groupe de travail, il n’est pas formulé de recommandations. La surimpression ne doit pas être le traitement de rattrapage d’un traitement chirurgical insuffisant.

Hypofractionnement :
Le schéma standard d’irradiation est de 50 Gy/25 fr sur l’ensemble du sein mais chez les patientes atteintes de CCIS à faible risque de récidive (cf. question 5), les schémas hypofractionnés, tels qu’utilisés dans les essais validés pour les cancers infiltrants, peuvent être discutés.

Q 10. Après une mastectomie, quelles indications et modalités d’irradiation retenir ?
Il n’est pas recommandé de réaliser une irradiation complémentaire de la paroi thoracique après mastectomie totale pour CCIS pur.

Q 11. Après le traitement local, existe-t-il une indication à l’hormonothérapie par tamoxifène ?
Il n’y a pas suffisamment d’arguments à ce jour pour recommander une hormonothérapie par tamoxifène après chirurgie conservatrice ou mastectomie.

Q 12. Après traitement conservateur d’un CCIS, quelle est la prise en charge des récidives ?
Le traitement de référence en cas de récidive (in situ ou infiltrante) est la mastectomie totale. Une reconstruction mammaire immédiate peut être proposée.
Un deuxième traitement conservateur ne peut se discuter que dans le cadre d’études cliniques.



Ces recommandations nationales, établies par un groupe de travail indépendant et multidisciplinaire et sur la base des meilleures données disponibles répondent à des questions débattues, visant à aider les professionnels à décider de la meilleure prise en charge des patientes atteintes de CCIS. Elles ont fait l’objet d’un large consensus au sein des relecteurs répartis sur le territoire et sont disponibles sur le site de l’INCa, au format complet et au format interactif ainsi que sur le site de la SFSPM.
Des études sur la surveillance seulement, après macrobiopsie, ou encore d’autres études visant à évaluer la prise en charge par chirurgie seule sont en cours et font l’objet d’une veille afin de mettre à jour les recommandations si besoin.

Références bibliographiques:
- WANG SY et al. « Tumors characteristics as predictors of local recurrence after treatment of ductual carcinoma in situ : a meta-analysis » - Breast Cancer Research and Treatment 2011 ; 127 (1) :1-14
- CORREA C et al. for the Early breast cancer trialists’ collaborative group (EBCTCG) « Overview of the randomized trials of radiotherapy in ductal carcinoma in isut of the breast » - Journal of the National cancer institute 2010 ; Monographs (41): 162-77.
- SOLIN L J et al. « Surgical excision without radiation for ductal carcinoma in situ of the breast : 12-Year results from the ECOG-ACRIN E5194 study » - Journal of clinical oncology 2015 ;61.4743
- STALEY et al. « Postoperative tamoxifen for DCIS” – Cochrane meta-analysis 2012
Messages clefs/take home message
Les recommandations nationales, établies par un groupe de travail pluridisciplinaire et sur la base des données publiées répondent à des questions d’actualité, identifiées avec les sociétés savantes. Outils d’aide à la décision, elles sont disponibles au format interactif sur le site de l’INCa.
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