Résumé ZUQJT
Récidives mammaires en territoire irradié: place d'un second traitement conservateur : le point de vue du chirurgien
Pascal Bonnier (Hôpital Privé Marseille, Marseille)
Nous allons, Claire Lemanski et moi même, vous parler de la place d'un second traitement conservateur pour récidives de cancers du sein ayant eu un premier traitement conservateur.

Je présenterais d'abord la problématique générale; puis vous ferez par de réflexions de chirurgien, pour certaines personnelles, puis de quelques considérations chirurgicales;
Claire vous parlera de radiothérapie pour enfin vous préciser les indications de trt conservateur, fruit d'un travail commun.

Nous vous parlons de traitement conservateur pour récidives car le problème se pose avec une grande fréquence:
- 70% de trts conservateurs des 50 000 nouveaux cas de cancer du sein chaque année, cela fait 35 000 trts conservateurs
- 1% environ de récidives chaque année, cad 10 à 15 % de récidives mammaires à 10 ans,
- cela fait environ 5000 récidives chaque année à prendre en charge
- auxquelles s'ajoutent les 2ème cancers survenant au delà de 10 ans.

Je pourrais continuer à vous parler avec des chiffres, des graphes, des courbes, mais je préfère ici vous livrer quelques réflexions à propos des trts conservateurs après trts conservateurs.

Nos patientes nous semblent parfois déroutantes.
Ou peut être est ce nous qui sommes déroutés, enfermés que nous pouvons être dans nos idées, les référentiels, les dogmes …. nos vérités …. peu ouverts au fait que les patientes puissent avoir leurs propres idées, leurs souhaits. Parfois déroutants.

Cette patiente là a un cancer de 10 mm, et c'est son premier cancer; et elle me demande une mastectomie bilatérale, ne voulant pas mettre sa vie en danger une nouvelle fois, ni revivre ça dans quelques années, ni même imaginer qu'elle puisse le revivre. C'est son souhait. On en parlera.

Celle là à eu un traitement conservateur pour un 1er cancer, puis un traitement conservateur pour une récidive mammaire avec un résultat cosmétique déplorable; déplorable en tout cas pour moi, car elle, elle l'aimait ce sein, et enfin une mastectomie pour une récidive de la récidive; et maintenant qu'elle a un cancer contro latéral, et que j'effleure l'idée, juste une option, celle d'une mastectomie, elle se prend d'un fou rire moqueur. Elle doit penser: il est fou celui là !
Son sein est il si précieux qu'elle veuille lui offrir son 5ème cancer ?

Voilà résumé la problématique: pouvons nous offrir plusieurs solutions thérapeutiques, mieux adaptées aux souhaits de chacune des patientes ? avec une sécurité satisfaisante ?

Ce n'est pas une désescalade, c'est une offre.
De garder son sein peut vous sembler une désescalade …. c'est un mot à la mode …. mais est ce une désescalade que de risquer ou d'avoir une récidive ?

Voyons l'offre, et la demande. La littérature donc.
En matière de prise en charge chirurgicale d'une récidive mammaire, les attitudes se balancent entre 2 concepts, ou 2 dogmes, selon comment on les regarde: celui de la mastectomie incontournable et celui, de développement plus récent, même si on l'a toujours fait, de traitement conservateur.

Le premier est bien un dogme, car inscrit dans le marbre de recommandations officielles telle que l'ESMO en 2012, est celui de la mastectomie en cas de récidive.
Il repose sur les arguments suivants: refaire des traitements qui ont été de la meilleure qualité (chirurgie et radiothérapie) mais qui n'ont pu éviter un échec est forcément voué à un nouvel échec; et de plus, on ne pourra pas refaire des traitements de même qualité, car le sein se prête moins bien à une chirurgie optimale et la radiothérapie sera forcément limitée.

Un dogme n'est bon pour personne. Ici, la mastectomie pour toutes est probablement un dogme faux; Ce qui est certain c'est qu'il n'est pas démontré, en l'absence de tout essai randomisé démontrant la supériorité de la mastectomie / à un nouveau trt conservateur; au passage, cet essai est irréalisable.

Ce concept de mastectomie systématique est d'autant plus faux qu'il s'affranchit du méli mélo de la multiplicité des situations, situations qui multiplient les caractéristiques initiales de la patiente et de la première tumeur par les caractéristiques actuelles de la patiente, de la tumeur, du délai de survenue, et des trts antérieurement reçus. Et dans ces situations, il existe des différences importantes entre une réelle récidive, par exemple précoce et un nouveau cancer de survenue tardive. Et quand il y a une multiplicité de situations, il y a certainement, il y a toujours plusieurs propositions thérapeutiques à apporter.

Le second concept est basé sur l'équivalence entre mastectomie et traitement conservateur.

Il nous faut là reconnaître que la majorité des publications concernant la prise en charge conservatrice des récidives mammaires débute par un rappel: celui du concept d'équivalence de survie de la mastectomie vs traitement conservateur radio chirurgical pour les cancers primitifs du sein. Ce concept a été développé par Véronesi dans les années 70, puis par Fisher, puis par d'autres.
Ce rappel littéraire pour dire que ce qui serait vrai pour la tumeur initiale pourrait l'être pour une récidive.
Et de rappeler aussi la puissance de plus en plus importante de la démonstration du concept d'équivalence, au fil du temps, par l'analyse des survies à 10 ans, 15 ans et maintenant 20 ans.

C'est bien.

C'est bien mais ce concept d'équivalence balaie donc d'un revers de la main le poids pronostic des récidives mammaires.
Et il n'existe pas une semaine sans que vous ne constatiez exactement le contraire.

Quelque chose cloche.

Ce concept d'équivalence est potentiellement faux. Et plus on rajoute d'années de surveillance aux études, plus le concept me semble faux, s'éloignant de la réalité.

Et chaque semaine vous avez imaginez sans vouloir y penser que le meilleur traitement des cancers du sein, en terme de quantité de survie, c'est la mastectomie. Et plus encore la mastectomie bilatérale. Mais vous n'en avez parlé à personne.

Car il est indéniable que les traitements conservateurs augmentent de façon importante le risque de récidive locale par rapport aux mastectomies: ce risque est multiplié par 4 à 5, et là on croit la littérature.

Et qu'il est indéniable que les récidives mammaires augmentent le risque de mourir: Veronesi lui même évoque un risque multiplié par 3, Fisher lui même par 4, et Kemperman par 9, et Oxford sur 48 000 patientes, par 3 à 5.

Je ne sais pas vous, moi ça m'effraie.

Je ne sais pas vous, moi je trouve que Veronesi et Fisher disent une chose et son contraire. Qu'il y a une équivalence mais qu'il n'y a pas d'équivalence entre trts conservateurs et mastectomie, les premiers faisant en fin de compte moins bien que les seconds.

Je vous brosse rapidement les raisons d'une telle méprise, car elles ne sont pas le propos d'aujourd'hui: Veronesi et Fisher, c'est un début des inclusions il y a 46 et 43 ans. Les patientes n'étaient pas les mêmes que les nôtres, ni les maladies, ni les traitements. A l'époque, le risque métastatique de la 1ère tumeur écrasait tout les évènements intercurrents sur son passage, et l'impact d'une récidive locale en est peut être devenu insignifiant, disparaissant dans les méandres Kaplanistique des statistiques au petit p non significatif.

Il est donc difficile de baser une proposition de traitement conservateur pour un cancer primaire et encore plus pour une récidive sur un concept vrai en 1970 et devenu de plus en plus faux au fil du temps

Mais poursuivons dans le sens de ce que certains appellent désescalade: actuellement, des groupes de patientes au pronostic favorable - je l'appelle favorable sans bien savoir ce que cela veut dire - des groupes de patientes au pronostic favorable disais je, subissent de la chimiothérapie, ce traitement constamment terrible, afin de bénéficier d'une amélioration de la probabilité de guérir de 1, 2, 3 ou 4%.
C'est bien.
De préserver leur sein contrebalance certainement cette amélioration, les récidives mammaires augmentant au moins d'autant le risque de mourir.

C'est moins bien et c'est compliqué. C'est bien de le dire, ou en tout cas c'est honnête.

Nous avons vu 2 dogmes entre lesquels nous balançons: ils sont bancales.

J'évoque à peine le 3ème dogme des traitements conservateurs: celui du corps préservé, de la sexualité maintenue, de l'esthétique … vous connaissez tout cela. Cela est certainement contrebalancé par la crainte d'un nouveau cancer apporté par ce sein là, de ces traitements, d'en mourir.
Et les études de montrer une équivalence de qualité de vécu psychologique entre celles ayant eu une mastectomie et celles ayant eu un trt conservateur, et vice versa. Mais les premières ont moins de risque de mourir, alors que choisir ?

Tout cela est plein de biais. Mais on ne pas faire autrement. Et il y bien évidemment du vrai dans tout cela.

Maintenant, je peux revenir sur la question: vais je mieux vivre avec mon sein à risque ou sans mon sein mais sans les risques auxquels il m'expose ?

il y a 1000 réponses, mais 2 choix.
D'abord, quelle idée peut on se faire de la probabilité de récidive après traitement conservateur d'une première récidive locale ?

C'est important à connaître car une récidive de la récidive entrainera cette fois une mastectomie, la reprise de traitements divers, des angoisses, et augmentera le risque de mourir

La probabilité de récidive d'une récidive est analysée dans des études rétrospectives de 15 à 45 cas et une étude de 217 cas du GEC ESTRO analysant la curiethérapie
La probabilité de récidive d'une récidive dépend de tous les facteurs pronostiques habituels mais aussi du délai de survenue de la première récidive, et pour les statisticiens du délai de surveillance
Elle dépend de l'association ou non d'une irradiation complémentaire

Sans irradiation, le taux de récidive de la récidive varie de 7 à 32%
Avec irradiation, le taux de récidive de la récidive varie de 0 à 26%; c'est globalement moindre
A 5 ans, la probabilité de récidive de la récidive varie de 7% à 50%
Dans l'étude GEC ESTRO, le taux de récidive de la récidive est de 7% à 10 ans

Un traitement conservateur en cas de récidive fait il mieux qu'une mastectomie ?
Bien sur que non

Une récidive de la récidive impacte t elle sur le risque de mourir de la maladie ?
N'avez vous jamais été frappé par les caractéristiques des récidives, 1X/3 environ plus sévère que la tumeur initiale ?

De façon non surprenante, les études montrent que la probabilité de mourir du cancer du sein est plus importante chez les patientes ayant eu une récidive de la récidive que celle n'en ayant pas eu.

Le SEER data base observe environ 25% des patientes des USA. En 2008, en cas de récidive mammaire, le taux de survie spécifique après mastectomie est de 78% alors que le taux de survie après trt conservateur est de 67%, soit 11 % de moins, alors que les cas de trts conservateurs ont été hautement sélectionnés.

Est ce joli un second traitement conservateur ? Joli pour qui: pour vous ou pour la patiente ?
Claire vous montrera

Pour finir, quelques considérations chirurgicales
Il existe des circonstances ou l'option "2ème trt conservateur" est recevable; elle parfois même recommandable.

Ce ne sera pas à nous de dire si c'est recevable, ce sera à la patiente. Et elle le dira d'autant mieux qu'elle sait ce qu'est un cancer, ses traitements, et la mise en danger de sa vie, et qu'elle vie de plein fouet cet sorte de retour à la case départ

Personne n'a été responsable du 1er cancer. J'ai peut être été responsable, en partie, tout comme mon chirurgien, de ce nouveau cancer. En d'autre terme, une mastectomie m'aurait épargné.

Et pour cela, il faudra l'informer et l'informer. C'est compliqué et c'est long, je sais. Cela peut être déstabilisant pour la patiente. Mais c'est le mieux. Ou le moins mal.

Il existe des circonstances ou une mastectomie est incontournable parce que le traitement conservateur n'est pas envisageable, et ce sera là à nous de le dire:

Il existe des critères liés à la lésion : nous vous les préciserons en conclusion de ces exposés

Il existe des critères liés à la chirurgie:
- Le sein doit permettre un second traitement conservateur avec l'obtention de limites saines, probablement plus saines que lors du trt primaire car la radiothérapie aura des limitations
- ceci dépend du ratio entre le volume tumoral et le volume mammaire résiduel
- en tenant compte du caractère souvent fibreux, peu mobilisable de la glande irradiée, et le remodelage est parfois difficile ou cauchemardesque
- en tenant compte pour la chirurgie de l'existence de séquelles chirurgicales et actiniques cutanées et glandulaires
- mais aussi pour la radiothérapie: ne pas pouvoir recevoir une seconde irradiation peut être une contre indication à la chirurgie conservatrice

Il nous faudra expliquer à la patiente les implications esthétiques de ce second traitement conservateur:
Diminution encore un peu plus du volume mammaire
Eventuelle accentuation des séquelles initiales
Possibilité de justification à une chirurgie de symétrisation contro-latérale

Il existe des critères liés à la patiente:
- il faut que le type de cancer et la densité glandulaire se prête au dépistage: il n'est probablement pas raisonnable de proposer un trt conservateur lorsque le diagnostic de récidive a erré, a pris du temps, parce que les seins sont denses et que tumeur est peu dense

Et maintenant que l'on sait que l'on peut dans des cas sélectionnés proposer des alternatives aux patientes qui choisiront, que dire d'irradier le sein irradié après avoir opéré le sein opéré ? (Cf. la communication de Claire Lemanski)
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